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Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/257

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mière communion, mais des aveux sur les perversions de la musique, mais des épanchements sur les sensations d’une jeune fille, les premières fois qu’elle va dans le monde, mais des analyses d’un sentiment dans de l’amour qui s’ignore, mais le dévoilement d’émotions délicates et de pudeurs raffinées, enfin toute l’inconnue féminilité du tréfonds de la femme que les maris et même les amants passent leur vie à ignorer, voilà ce que je demande. »

Peu de femmes, à la vérité, répondirent utilement à l’appel qui leur était adressé. Les lettres envoyées contenaient surtout le récit d’aventures bizarres ou romanesques dont l’auteur avait pris soin de dire qu’il n’avait que faire. Avait-il beaucoup compté, du reste, sur des confidences lumineuses ? — Il est permis d’en douter. Plus qu’un autre il avait l’habitude de l’analyse, il avait déjà fait d’inutiles sondages dans les modèles qu’il avait rencontrés autour de lui. M. de Goncourt savait que la jeune fille est aussi voilée pour elle-même qu’elle l’est pour l’observateur.

M. de Maupassant a développé très nettement cette idée dans l’article qu’il écrivit à l’apparition de Chérie : « Il est fort difficile, presque impossible de connaître la jeune fille. Les romanciers, aujourd’hui, procèdent bien plus par observation que par intuition, et, pour raconter un cœur de jeune fille, il faut, au contraire, procéder bien plus par intuition, par divination que par observation. La jeune fille nous demeure inconnue parce qu’elle nous demeure étrangère. Nous la voyons peu, nous ne lui parlons pas, nous ne pénétrons pas ses pensées, ses rêves. Elle vit d’ailleurs loin du monde, loin de nous, cachée, comme fermée jusqu’à l’heure du mariage. Or, descendre en cette âme est d’autant plus difficile qu’elle s’ignore elle-même, qu’elle n’est