Aller au contenu

Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/315

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. E. de Goncourt à Mme A. Daudet :

Dimanche, 12 octobre 1884.
Chère madame,

L’auteur des Idées et Sensations sent le besoin de dire à l’auteur des Fragments d’un livre inédit qu’il les trouve bigrement bien, ces fragments, et que c’est tout à fait de la belle ouvrage ! Le Goncourt, jusqu’à présent, méprisait les femmes comme stylistes, mais depuis que vous êtes, chère madame, dans la partie, diable, diable ! il faut se tenir ! Et voilà que la lecture de vos fragments m’a donné envie de lutter avec vous et m’a décidé à publier une suite à mon premier volume.

De petits chefs-d’œuvre les Mains de l’ouvrière malade, les Heures blanches de la vie des jeunes filles, le Printemps de Paris, le non consenti des femmes écoutant de la musique, le hâlo des sympathies et des antipathies, le roucoulement des tourterelles, la jeune femme au lorgnon, etc., etc. Et croyez bien que ce n’est pas un compliment banal ; je voudrais très sincèrement les avoir faits, lesdits morceaux.

J’ai été tout à fait malade, ces jours-ci. Je crois décidément que mon estomac fait maintenant tout à fait des manières ridicules pour digérer. Enfin ça va un peu mieux aujourd’hui et j’espère être en bon état jeudi.

Amitiés tendres au ménage.
Edmond de Goncourt.

À un projet de villégiature à Saint-Estève, se rattachent quelques circonstances curieuses. M. Parrocel, un descendant des dessinateurs du dix-huitième siècle, après de longs voyages et des aventures de toute sorte, a fait une grosse fortune dans le métier d’hôtelier, à Marseille. Retiré des affaires, il a créé, près d’Aix, une installation magnifique où il joue à l’hôte maintenant pour l’honneur et convie chez lui les gens de lettres qu’il admire. Déjà, une première fois, M. et Mme Daudet et M. de Goncourt avaient cédé à ses instances et passé quelques journées plantureuses à Saint-Estève. Ils avaient promis de revenir. Ce retour, on le voit, était alors empêché par le choléra.