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Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/342

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psychologique, l’histoire morale contemporaine, aujourd’hui que le roman s’est imposé les études et les devoirs de la science, il peut en revendiquer les libertés et les franchises. Et qu’il cherche l’Art et la Vérité ; qu’il montre des misères bonnes à ne pas laisser oublier aux heureux de Paris ; qu’il fasse voir aux gens du monde ce que les dames de charité ont le courage de voir, ce que les reines autrefois faisaient toucher de l’œil à leurs enfants dans les hospices : la souffrance humaine, présente et toute vive, qui apprend la charité ; que le roman ait cette religion que le siècle passé appelait de ce large mot Humanité ; il lui suffit de cette conscience. Son droit est là ! »

Donc, les Goncourt s’étaient mis à la recherche du document humain relevé d’après nature et voulaient le faire servir au roman comme le document du temps sert à l’histoire. Histoire et roman s’alliaient ainsi dans une affinité de moyens et de but : l’histoire n’est-elle pas l’évocation du passé, comme le roman est l’évocation du présent ?

La préface de la Fille Élisa appuie et insiste sur cette prétention du romancier de n’être pas seulement un amuseur public, chargé d’introduire dans son œuvre une distraction frivole et de procurer au lecteur, dans le rêve écrit, un instant de répit à la réalité. Le sujet, en effet, est plein de tristesse, et ce sont là, certes, des tableaux qui retiennent fortement, qui émeuvent, provoquent des réflexions, mais ne sont ni gaies ni amusantes : « Ce livre, j’ai la conscience de l’avoir fait austère et chaste, sans que jamais la page échappée à la nature délicate et brûlante de mon sujet apporte autre chose, à l’esprit de mon lecteur, qu’une méditation triste ; mais il m’a été impossible parfois de ne pas parler comme un médecin, comme un savant,