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Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/343

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comme un historien. Il serait vraiment injurieux pour nous, la jeune et sérieuse école du roman moderne, de nous défendre de penser, d’analyser, de décrire tout ce qu’il est permis aux autres de mettre dans un volume qui porte sur sa couverture Études, ou tout autre intitulé grave. On ne peut, à l’heure qu’il est, vraiment plus condamner le genre à être l’amusement des jeunes demoiselles en chemin de fer. Nous avons acquis, depuis le commencement du siècle, il me semble, le droit d’écrire pour des hommes faits. »

Le public, avant tout, veut être amusé. Il ne consacre au roman que le temps qu’il a à perdre ; il lui demande le développement coloré des idées qu’il a en tête. L’écrivain suit-il la grand’route de ses préjugés ou de ses admirations, le lecteur chemine sans cahot avec lui, admirant, à droite et à gauche, les surprises du paysage, le truquage ingénieux des combinaisons romanesques, bien sûr qu’il est, à la fin de l’étape, de fermer le livre sur une sensation agréable qu’amènera le dénouement.

Là gît la cause du conflit ordinaire entre le gros des lecteurs et certains romanciers naturalistes. Ils ne cherchent point à être amusants ; ils s’efforcent de découvrir la vérité et de faire entrer cette vérité dans une forme littéraire. Pourquoi, jusqu’ici, le roman naturaliste paraît s’être confiné au bas de l’échelle sociale, M. Edmond de Goncourt va le dire dans la préface des Zemganno : « On peut publier des Assommoir et des Germinie Lacerteux, et agiter et remuer et passionner une partie du public. Oui ! mais, pour moi, les succès de ces livres ne sont que de brillants combats d’avant-garde, et la grande bataille qui décidera de la victoire du réalisme, du naturalisme, de l’étude d’après nature en littérature, ne se livrera pas sur le terrain que les