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Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/80

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de l’exercice journalier de la bienveillance, ce don rare et précieux : la caresse… Quel esprit mieux fait et mieux formé qu’un tel esprit pour la vie particulière ? Il apportait à la société privée, à la causerie intime toutes les grâces de son rôle royal, plus libres et plus aisées, la facilité de se prêter aux autres, l’habitude de leur appartenir, l’art de les encourager, la science de les faire contents d’eux. Il avait, si l’on peut dire, l’humeur la plus facile, une naïveté qu’il était charmant d’attraper, une étourderie qui se prêtait de la plus agréable façon aux petites malices de ceux que la Reine aimait, des fâcheries tout aimables, si l’on venait à tourner une de ses paroles en liberté ou en méchanceté, des bavardages qui avaient le tour et l’ingénuité de la confidence, des alarmes enfantines sur les petites inconvenances qui pouvaient lui échapper, de certaines petites moues qui grondaient si joliment les gaietés un peu vives, des bouderies oubliées devant un visage triste, des accès de rire qui emportaient ses disgrâces et, tout à la fois, une indulgence de Reine et des pardons de femme… »

Il n’est point utile que nous entrions, avec les auteurs, dans l’histoire de la Révolution qui ne devait être, pour la reine, qu’une route sinistre qui la conduisit, abreuvée d’outrages et de souffrances physiques et morales, à l’emprisonnement et à l’échafaud. Profondément émus par la grandeur des événements qu’ils retraçaient, par la grâce et par la beauté de la femme qui en était devenue le jouet, les Goncourt n’ont-ils pas inconsciemment un peu éteint les points faibles de sa vie ?[1] Ont-ils su se défendre toujours d’un sentiment chevaleresque et de l’enthousiasme qu’éveille

  1. « La reine était coupable, elle avait appelé l’étranger, cela est prouvé aujourd’hui. » Michelet, Révolution, t. vi, p. 319.