Page:Denikine - La décomposition de l'armée et du pouvoir, 1922.djvu/363

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lyncher pour se débarrasser de nous ; c’était, d’ailleurs, ce que nous méritions.

Un autre jour, en longeant le corridor, Markov aperçut un jeune homme, en sentinelle, qui pleurait à chaudes larmes, appuyé sur son fusil. Il avait pitié de nous… Quelle étrange sentimentalité, à notre époque de sauvagerie !

Pendant deux semaines, je refusai de sortir pour me promener. Je ne voulais pas m’exposer à la curiosité des « camarades » qui entouraient le préau de la prison et qui examinaient les généraux captifs comme les fauves d’une ménagerie… Je n’avais aucune communication avec mes voisins. Temps favorable à la réflexion et au recueillement !

Et, de la maison d’en face, chaque jour, dès que j’ouvrais ma fenêtre, une chanson s’élevait, entonnée par une voix claire de ténor — était-ce un ami ? un ennemi ? —

Amis ! Voici le dernier jour
Que nous allons passer ensemble…