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Page:Des Monts - Les Legendes des Pyrenees 3e, 1876.djvu/194

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pied de chèvre et l’air plus méchant que les plus méchants Sarrasins. Bos était si accoutumé à voir des hommes noirs qu’il ne fit pas le signe de la croix. C’était le diable qui lui dit en ricanant : « Bos, à quoi t’a servi de combattre pour ton Dieu ? Il te laisse valet de mes valets de Nubie ; les chiens de ton château sont mieux traités que toi. On te croit mort, et demain ta femme se marie. Va donc traire tes brebis, bon chevalier. »

Bos poussa un grand cri et pleura, car il aimait sa femme ; le diable feignit d’avoir compassion de lui. « Je ne suis pas si méchant que le disent tes prêtres. Tu t’es bien battu ; j’aime les gens braves, je ferai pour toi plus que le crucifié, ton ami. Cette nuit tu seras dans ton beau pays de Bigorre. Promets-moi seulement de me donner quelque chose en échange, une fois dans ton château. Eh bien, te voilà embarrassé comme un théologien. Allons décide-toi. »

Bos oublia que c’est péché mortel de donner quelque chose au diable, et lui tendit la main. Aussitôt il fut emporté dans un tourbillon ; il aperçut au-dessous de lui un grand fleuve jaune, le Nil, qui s’allongeait, ainsi qu’un serpent, entre deux traînées de sable ; un instant après, une ville étendue sur la grève comme une écaille de tortue ; puis des flots innombrables alignés d’un bout de l’ho-