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Page:Des Monts - Les Legendes des Pyrenees 3e, 1876.djvu/235

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que, chaque soir, aveuglé par sa passion, le noble et fier descendant des Givrion ne craignait pas d’aller trouver mystérieusement l’humble fille du peuple, dont l’infernale beauté devait être si fatale à son bonheur.

À force de lire Machiavel, Boccace, et les dangereux contes licencieux, qui se publiaient alors, l’ingrat avait fini par trouver, lui aussi, du charme à demander au secret de l’intimité voilée, l’oubli des exigences de la vie publique. Il était devenu le digne représentant de cette étrange époque où malgré les prédications des moines et la ferveur religieuse des masses, les seigneurs de haut lignage se dédommageaient de l’existence uniforme et maritale du manoir au milieu des joies passablement graveleuses de la vie libertine et facile ; de cette étrange époque, où la licence des couvents, les emportements des guerres civiles vidés souvent par l’assassinat et l’extrême relâchement de mœurs des cours dissolues en étaient venus à ce point, qu’on ne craignait plus de railler les dogmes sacrés et de braver les terreurs de l’enfer au milieu des plus folles dissipations. Maintenant ce qui surtout l’attirait irrésistiblement vers Juanita — ainsi se nommait la jeune fille — c’est qu’à ses yeux elle réalisait on ne peut mieux le type rêvé de la courtisane antique, c’est qu’au milieu de