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Page:Des Monts - Les Legendes des Pyrenees 3e, 1876.djvu/34

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sous un voile d’airain inéluctable… Tout lui apparut à travers un nuage de feu.

— Grâce ! grâce ! s’écria-t-il en se jetant à genoux dans sa barque. Mais un éclat de rire, aigre et prolongé, lui répondit seul, avec le timbre strident de cette horrible gaieté de démons qui n’a de comparable que l’effrayante joie d’une goule affamée brisant les ais d’un cercueil.

La ronde infernale, plus rapide que jamais, tournait toujours autour de lui, l’enlaçant des mille anneaux de ses mille replis tortueux, ondoyants.

— Grâce ! grâce ! répétait toujours le malheureux.

— Non ! point de pardon pour toi, chrétien maudit ! répondirent les démons, pour toi qui blasphèmes sans cesse, pour toi qui ne crains pas de travailler un jour comme celui-ci ! Au feu ! au feu pour l’éternité !…

Au même instant, on entendit comme un coup de tonnerre ; puis une épaisse fumée se répandit sur la mer.

Saisis d’épouvante tous les pêcheurs tremblaient, comme tremble au vent d’automne la feuille desséchée. Spectateurs muets de cette étrange scène, ils attendaient avec impatience le lever du jour pour voir s’ils n’étaient pas le jouet d’un mirage trompeur. Pas un n’osait parler, tant il leur semblait que la moindre parole dût infailliblement les perdre