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Page:Des Monts - Les Legendes des Pyrenees 3e, 1876.djvu/78

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mait les yeux, des rêves bizarres et mystérieux agitaient son sommeil. Tous lui représentaient le jeune baron, mais seulement d’une façon différente : tantôt elle le voyait comme un ange du ciel envoyé pour lui apporter le bonheur ; tantôt c’était un démon de l’enfer venu exprès sur la terre pour perdre son âme et l’entraîner vers lui dans le gouffre sans fond des tortures éternelles. Alors Marguerite se débattait vainement contre cette horrible et fiévreuse vision ; elle se réveillait en sursaut, pâle, échevelée, inondée d’une sueur glacée, belle de toute la beauté de la douleur ; puis une fièvre lente effaçait peu à peu le rose de ses joues et le carmin de ses lèvres ; puis la tristesse la consumait, tandis que de vagues et mortelles inquiétudes déchiraient son pauvre petit cœur. Enfin Marguerite, devenue morbidement pâle, amaigrie, plongée dans une sombre mélancolie, n’était plus que l’ombre d’elle-même, la pauvre fille !

Longtemps elle essaya de lutter contre sa destinée. Effrayée des ravages de la puissance occulte qui la dominait si irrésistiblement, elle ne laissa plus écouler un seul jour sans tomber à genoux aux pieds du crucifix de sa petite chambrette, et là, tandis que deux ruisseaux de larmes brûlaient ses joues, elle balbutiait tristement : « Oh ! mon Dieu ! oh ! mon Dieu ! pourquoi ne m’avez-vous