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Page:Desbordes-Valmore - Livre des mères, 1840, t1.djvu/109

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Ce beau jour lui paraît plus lent qu’un autre jour ;
Tout suc lui semble amer, et sa sollicitude
Implore, et croit du soir avancer le retour.
Enfin à l’horizon le soleil va s’éteindre ;
Elle vole à sa sœur, et, tout près de l’atteindre,
L’appelle en la grondant d’un ton craintif et doux :
« Allons, il se fait tard ; me voici, venez-vous ? »


« — Il n’est plus temps, ma sœur, je suis trop accablée ;
 « Je ne puis me sauver de ce lieu.
« Je vous regarde encor ; mais ma vue est troublée ;
« Mon corps brûle et languit ; venez me dire adieu.
« Je ne puis me mouvoir. Un grand feu me dévore ;
« Mes ailes, je le sens, ne peuvent m’emporter ;
« Voyez comme je suis ! mais soyez bonne encore ;
« Si mon crime (il est grand !) ne peut se racheter,
« Ne me haïssez pas, je n’étais pas méchante :
« La volupté trompeuse égarait ma raison ;
« Ce breuvage mortel dont l’ardeur nous enchante :
« Que je l’aimais, ma sœur, et c’était un poison !