Aller au contenu

Page:Desbordes-Valmore - Livre des mères, 1840, t1.djvu/89

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
84

Son repas est fini, qu’aurait-elle à chercher ?
Elle porte tout ce qu’elle aime.
« Grand dieu ! d’où venez-vous ? dit-elle au tendre oiseau
Dont la poitrine est ouverte et sanglante.
Sortez-vous d’un combat, d’un piège, d’un réseau ?
Le coup est-il mortel ? j’en suis presque tremblante.
Partez donc ! quelle flèche ou quel ongle assassin
Vous déchira le sein ?
Vous faites peur. — C’est moi, c’est un peu de ma vie,
Répond le pélican à sa pèche assidu.
Vous allez me porter envie :
Mes petits avaient faim ; mon sang n’est pas perdu,
Je l’ai versé pour eux. — Quoi ! dit l’autre irritée ;
Votre sang… taisez-vous ! on ne peut sans horreur
Supporter dans l’amour cet excès de fureur ;
Il soulève, il repousse, et j’en suis révoltée.
Vous perdez le bon sens, vos petits vous tueront,
Et les oiseaux riront.
Laissez ces préjugés aux tendres tourterelles.
L’amour est un besoin qu’il est doux d’éprouver,
Mais je n’aurais point d’œufs s’il fallait les couver.