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Page:Desrosiers - Les Opiniâtres, 1941.djvu/143

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les opiniâtres

avec des manœuvres excitantes. Chacun les devinait clapis dans l’attente.

Pierre causait peu. Il se souvenait de Jean Nicolet, de Marguerie et d’Amyot noyés dans le fleuve ; de Jacques Hertel qu’un accident avait enlevé. Du groupe plein d’amitié qui l’avait accueilli, il ne restait plus que Godefroy, maintenant seigneur de Normanville, assis à la droite du gouverneur, dans la première chaloupe. Pierre se sentait isolé parmi des personnages nouveaux.

Soudain un commandement retentit, si clair, si distinct que personne ne pensa l’avoir mal interprété. D’un bond, tous se trouvèrent debout : incrédules, bouche bée, ils regardaient la première gribane qui mouillait son ancre ; le gouverneur ordonnait le débarquement et donnait l’exemple en enjambant le bordage.

Irrésolus, confondus, les hommes l’imitèrent l’un après l’autre ; ils s’enfoncèrent dans l’eau jusqu’à la taille, leurs pieds pénétrèrent dans la boue et trébuchèrent dans la chevelure épaisse de joncs. Ils ne pouvaient ni courir ni charger ; ils évoluaient péniblement dans des éclaboussements, cibles offertes aux Iroquois bien dissimulés.