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Page:Desrosiers - Les Opiniâtres, 1941.djvu/144

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Quand Pierre revint à lui, il était couché dans son lit. Il se souvint tout de suite.

— Qu’est-il arrivé ? demanda-t-il.

— Un Montagnais t’a ramené dans son canot.

— Et les autres ?

Le Gouverneur compris, huit combattants avaient succombé dans le fol assaut ; sept étaient demeurés captifs. Les derniers soldats de la garnison avaient couru aux palissades. Mais au lieu d’assaillir le fort saisi de panique, l’ennemi, trop fier d’une victoire inattendue, avait regagné ses bourgades pour célébrer des réjouissances.

Godefroy était demeuré prisonnier. Sans qu’ils s’en rendissent compte, Pierre et Ysabau s’étaient profondément attachés à cet ami durant les derniers mois. En pratique, ils avaient vécu dans des maisons voisines.

Ysabau entrait dans la pièce pour soigner Pierre ; elle se composait une figure souriante afin de l’encourager. Elle ouvrait les pansements et soudain la douleur la suffoquait. Elle sanglotait ; Pierre était trop affaibli pour seulement pleurer. Quelques mois auparavant, les Sauvages alliés avaient brûlé un chef iroquois et son compagnon sur un terrain attenant au poste. Ysabau se rappelait cette nuit ; elle avait verrouillé portes et fenêtres ; mais durant des heures les gémissements atroces avaient percé les murs de bois plein. Après beaucoup d’autres, le tour de Godefroy était venu. À cette heure même peut-être, il criait sa souffrance dans les flammes.

Les jours passaient. Le Grand Sénéchal encourageait la population démoralisée ; il la conduisait aux palissades à réparer. Mais la pensée de la torture hantait les imaginations : arrachement des ongles, supplice du feu épouvantaient les plus braves.