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les opiniâtres

aisément, d’un seul coup ; les fibres d’autres essences semblaient tissées l’une dans l’autre, les couches superposées s’enlaçaient ; pilonné avec la masse, l’ébuard les divisait.

La température devint tout à fait chaude vers le milieu de l’après-midi. Un peu d’eau glissait de l’épais capiton blanc qui recouvrait le toit de chaume. Ysabau sortit un instant de la maison pour étendre du linge sur une corde tendue entre deux poteaux ; le sol était doux aux pieds, feutré, et non plus craquant, rêche et dur ainsi qu’une râpe. La porte de l’étable était ouverte au midi ; une vache avança en hésitant à plusieurs reprises, se rendit jusqu’au meulard de peza, mordilla, la tête haute, regardant au loin l’étendue. La futaie dégouttait comme après un orage parce que la neige s’était accumulée sur les grosses branches, avait adhéré aux troncs du côté du vent.

Depuis trois ans, Pierre avait fort élargi ses coupes. Il était revenu quand François l’avait permis, pas avant. Pierre Boucher avait obtenu audience du Roi ; il avait rédigé un mémoire afin de renforcer son plaidoyer verbal. De prime-saut la Nouvelle-France gagnait cent soldats et deux cents colons, d’autres renforts suivraient. Elle subissait une refonte administrative et judiciaire. Louis XIV s’affirmait le grand ouvrier capable de pétrir la matière coloniale et de lui imposer majestueuse tournure.

Au pays, Français et Iroquois conduisaient des négociations pénibles, régulièrement interrompues par quelques captures ou quelques massacres. Les tribus de la Maison Longue ne poursuivaient pas toutes la même politique ; souvent, gens de même tribu ne s’entendaient point. Situation périlleuse, mais Pierre fendait du bois, rêvait semailles, essartement, construction de bâtiments et de maison.

Dans la pureté du ciel plongea bientôt un soleil qui avait cessé de réchauffer. Le froid redevint