Aller au contenu

Page:Desrosiers - Les Opiniâtres, 1941.djvu/214

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
212
les opiniâtres

vif, la fumée s’étira au sortir de la cheminée, la vache rentra dans l’étable, la neige durcit, les mains s’engourdirent sur le manche glacial des haches.

Quittant le bûcher, les trois hommes endossèrent leurs pelisses. Chemin faisant, ils aperçurent François. Chaussé de raquettes, celui-ci courait lourdement, enfonçant à chaque enjambée, se balançant de droite à gauche. Pierre s’arrêta un moment pour observer, croyant à un jeu. Il fronça les sourcils. Puis il poursuivit sa route. François entra presque sur ses talons.

— Koïncha est-elle revenue ? demanda-t-il.

— Oui, depuis une demi-heure, je suppose, répondit Ysolde.

François sortit et cria quelques mots en algonquin. La vieille grolle apparut à l’ouverture de son wigwam, le mousquet au bout du bras. Elle s’élança dans le sentier et François la laissa entrer devant lui. Alors, il dit : —

— Une bande d’Iroquois approche.

— Je vais cadenasser l’étable alors, dit Pierre.

— Non. Non. Ne bougez point.

Les hommes barrèrent rapidement les contreportes, les contrevents ; ils désobstruèrent les meurtrières. Chacun chargea son mousquet. Sans hésiter Koïncha s’était mise de garde à l’ouverture qui donnait sur l’amoncellement de bûches.

— Ils viendront par là, dit-elle.

Des bougies éclairaient ces préparatifs. La neige s’éteignit au dehors et tous ne se déplacèrent plus que dans une pénombre muette. À l’écart de cette fièvre et de cette angoisse, François s’était assis ; il réfléchissait, et de sa main droite mutilée, il jouait avec un couteau sur le bout de la table.

— Des Onnontagués, pensa-t-il.

Il connaissait l’implacable volonté de vengeance des Iroquois : pas de pardon pour ceux qui abattaient quelques-uns de leurs guerriers. Souvent