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Page:Desrosiers - Les Opiniâtres, 1941.djvu/45

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les opiniâtres

au sommet, formaient un muraillement qui empêchait, semblait-il, le feuillage de s’ébouler et de combler le puits. Le soleil baissait encore, les rayons passaient au-dessus de la clairière qui débordait maintenant d’une ombre pareille à de l’eau glauque.

— Hein, Le Fûté ?

— Ça y est.

— Pour sûr.

Ils parlaient peu. Mais leurs yeux brillaient. Ils se tournaient vers les bois avec un sentiment de victoire. Plus vive, plus joyeuse, leur hache s’abattait. Leur dessein se stabilisait.

Un soir de chaleur humide, Pierre échafaudait ses projets tout en se reposant. Après ce premier succès, il organisait le chaos, traçait ses plans de travail comme on trace en forêt des lignes d’arpentage. Il ne voulait plus se diriger au hasard. Soudain, il entendit un bruit au dehors. « Un chevreuil », pensa-t-il. Se levant doucement, il saisit son mousquet. Mais à la porte, il se trouva devant un homme qui montait du rivage dans l’obscurité.

— C’est moi, Hertel.

— Qu’y a-t-il ?

— Il faut revenir au fort tout de suite.

— Au fort ?

— Oui, les Iroquois sont dans les entours.

— Les Iroquois ?

Abasourdi, Pierre demeurait immobile. « Mais non, je ne peux quitter le défriché à cette heure », se disait-il. David Hache n’avait entendu qu’un mot : « Iroquois » ; mais déjà, il sautait du lit et se dressait en hâte. Il transporta les outils dans la cabane, il cloua les contrevents. Une fois la porte cadenassée, les trois hommes coururent au fleuve. Sortant de l’ombre du bois, ils s’avancèrent dans l’illumination qui tombait des profondeurs du firmament éclairé par une lune blanche, des étoiles, des aurores boréales. On aurait dit