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Page:Desrosiers - Les Opiniâtres, 1941.djvu/46

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les opiniâtres

l’emplacement d’une fête foraine abandonné le soir, toutes lumières allumées.

Jacques Hertel pagaya, longeant le rivage de tout près. En même temps, il donnait des explications.

— Au printemps, les Algonquins ont tenté de répéter leur victoire de l’an dernier. Ils ont été surpris, ils ont perdu une partie de leurs guerriers, et surtout deux fameux capitaines. En route, ils ont découvert que cent cinquante Iroquois étaient venus à quatre jours des Trois-Rivières l’hiver passé. Hier, deux canots hurons quittent le fort, un seul revient, vers dix heures, et de loin, les occupants crient : « Ouaï, ouaï, ouaï ». Les Iroquois ont capturé l’autre canot et se tiennent en embuscade au-dessus des Trois-Rivières. Nous avons envoyé des éclaireurs pour les reconnaître… Alors, j’ai pensé à vous…

Jamais Pierre n’avait assisté à une panique semblable à celle qui régnait sur le rivage. Empoignés par la terreur, Algonquins, Montagnais, couraient, se bousculaient, criaient dans les ténèbres. Ils ramassaient tentes et ustensiles, ils emplissaient leurs canots. À la longue, officiers et soldats réussirent à les rassurer un peu ; mais lorsque les éclaireurs rapportèrent la nouvelle que deux cents Iroquois bloquaient le fleuve, femmes et enfants sautèrent dans les embarcations et se dispersèrent instantanément sur le Saint-Maurice ou le Saint-Laurent.

La garnison se montrait fort inquiète. La matinée s’écoula dans les préparatifs militaires. Soldats et alliés s’embusquèrent. Et soudain parut là-bas sur le fleuve un point noir qui grossissait de minute en minute.

— Un canot iroquois ! un canot iroquois !

Montée par dix guerriers, la pirogue solitaire se laissa porter sans hâte, avec insolence, jusque devant le fort, mais en dehors de la portée des mousquets et des canons : les hurlements des