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Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, cinquième série, 1922.djvu/68

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mais vrai de vrai, j’en ai eu tout mon raide, pour ne pas lui crier que la Sophie avait un mauvais cœur, qu’elle avait vécu avec, mais qu’elle n’entrerait pas au paradis avec !

— Chut ! chut ! mon vieux ! Elle est morte, laissons-la en paix.

Un silence tomba où leur tristesse se fit très lourde : — Ma pauvre Toine, pendant trois jours je me suis imaginé qu’avec un peu d’argent, je pourrais te faire soigner et te donner des douceurs que tu n’as jamais eues, et voilà que je ne pourrai rien, quand même je travaillerais dur ! Cré Sophie !

Il se leva, prit sur une étagère du buffet une vieille photographie encadrée et ouvrant le poêle, il la jeta tranquillement dans le feu. — Brûle ! C’est tout ce que tu mérites, vieille méchante !

Le mois de mai vint, pluvieux et froid, et la vieille, déjà si fragile, prit une bronchite et dut s’aliter. C’est avec un cœur lourd que le bonhomme allait à son travail, le matin, après avoir mis à la portée de la malade ce dont elle aurait besoin. Il sentait que cela ne pourrait durer ainsi, et peu à peu se fixait en lui, malgré lui, le projet de placer sa femme à l’hospice, où, au moins, on la nourrirait convenablement. L’évocation de cette salle commune, où sa bonne Toine passerait les derniers jours d’une vie si dévouée, lui crevait le cœur ! D’abord révolté, il acceptait enfin la triste nécessité, mais il fallait convaincre sa femme. Ce fut