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Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, cinquième série, 1922.djvu/98

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tal. Quand il s’en alla, elle l’accompagna dans l’allée du jardin il lui demanda un œillet blanc qu’elle épingla à sa boutonnière.

Le soir, à huit heures, il arrivait, toujours fleuri, mais d’un œillet un peu fané que vit de suite sa solide fiancée qui ne donnait pas ses fleurs pour les voir mourir ! — « Georges l’aurait mis dans l’eau, » — pensa-t-elle.

Le bonhomme, installé dans une grande berceuse, demanda la permission de fumer, et pendant qu’il bourrait sa pipe, madame Goderre tirait à elle son tricot, et tout à coup, involontairement, elle laissa échapper sa pensée : — « Georges ne fumait jamais ! » — Surpris, décontenancé, il retira sa pipe. — Vous me l’aviez permis… — Oh ! pardon, continuez, je vous en prie, oui, je vous l’ai permis et je veux que vous fumiez, Jos !

Jos ! — elle l’avait appelé Jos, comme faisait sa petite Luce ; le nom lui revenait avec des intonations caressantes, et mû par une répugnance à mêler le passé au présent : — Peut-être, fit-il lentement et en cherchant ses mots, peut-être mame Goderre, comme nous ne sommes plus jeunes, vaudrait-il mieux m’appeler Joseph, vous ne trouvez pas que ça convient mieux à un homme de mon âge ? —

La conversation ne fut pas bien animée : leurs souvenirs de jeunesse persistaient à tendre entre eux un voile, et distraits, tirés en arrière par leur passé heureux et lointain, ils n’arrivaient pas à être franchement et