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Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, cinquième série, 1922.djvu/97

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de ces œillets il n’y en avait que dans le jardin de Mame Goderre et elle n’en donnait jamais à personne ! Vous saisissez ? On avait là la preuve évidente que Joseph Brisard avait fait la grande demande et qu’il avait été agréé. D’un perron à l’autre, la nouvelle se transmettait et les commentaires étaient animés et d’ailleurs bienveillants.

Veufs tous deux, vieux tous les deux, ils avaient chacun un peu d’argent et, de l’avis de ces sages bavardes, ils se convenaient parfaitement.

La demande en mariage avait été simple et brève : — « Je suis sûr que vous êtes une bonne femme Mame Goderre et sans me vanter, je vous ferais un bon mari. Voulez-vous qu’on se marie ? » Elle avait dit oui, sans phrase et sans émotion apparente. Mais, s’attendant à cette démarche, elle avait compté qu’un peu de sentiment serait de la partie ; elle se rappela, involontairement, la déclaration si tendre de son Georges, trente ans avant et elle soupira. Joseph Brisard, de son côté, était désappointé : il admirait sincèrement la femme de son ancien ami, mais il aurait aimé qu’elle parût un peu émue. Ah ! comme elle était gentille, sa petite blonde d’autrefois, quand il lui avait demandé d’être sa femme ! Et comme il tremblait lui, déjà mûr, craignant d’être refusé par l’enfant de dix-huit ans. Il soupira aussi, mais il secoua vivement l’espèce de gêne qui suivit leur accord si peu sentimen-