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Page:Dessaulles - Six lectures sur l'annexion du Canada aux États-Unis, 1851.djvu/56

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si l’indépendance ne valait pas mieux que la sujétion à l’Angleterre ; il eût répondu « oui » sans hésiter.

Eh bien, aujourd’hui demandez à n’importe lequel de nos ministres si les citoyens du pays n’ont pas raison de désirer la fin d’un régime qui, par le fait qu’il est transitoire, fait obstacle au progrès industriel, empêche l’esprit public de se former parce qu’il jette le peuple dans un état d’incertitude sur son avenir ; rend impossible l’importation des capitaux étrangers, parce que les capitalistes redoutent tout système qui n’a ni bases solides ni garanties de permanence : eh bien il vous dira, en se campant avec fierté sur ses idées pratiques :

« L’indépendance Américaine ne vaut pas notre régime colonial ! Nous sommes plus libres que les Américains ! ! Je hais les principes démocratiques ! Je m’honore d’être un colon ! Je dédaigne le titre d’homme libre ! Je suis heureux et fier d’être tenu en laisse ! ! Toute mesure qui a la moindre tendance, la plus légère teinte républicaine me fait bouillonner de colère ! ! L’annexion aux États-Unis sera un malheur pour le Canada ! Il n’a pas le droit de la demander ; pas même le droit d’en discuter l’à-propos ; pas même le droit d’en indiquer les avantages, et il est de mon devoir de punir ceux qui cherchent à remuer ces idées ; car quoique je représente bien un peu le peuple comme membre de l’Assemblée, je représente bien plus la couronne comme ministre ! Une fois chef de bureau, je dois consacrer tous mes instants, donner toute ma sollicitude au maintien de la suprématie Anglaise, des prérogatives de la couronne, des lois d’exception passées contre mes compatriotes !

« Membre de l’Assemblée je suis peuple ; ministre je suis presque roi.

« Quand ma souveraine m’a une fois fait l’honneur insigne de m’appeler dans ses conseils, je ne puis plus avoir pour mes co-sujets que des paroles de sévérité s’ils veulent sonder l’avenir, je dois employer contre eux des moyens arbitraires, car j’ai, comme ministre, des maîtres à servir ; et quand au peuple du pays, qui a la bonhomie de croire qu’il me surveille au moyen de ses mandataires que j’achète, oh ! il me fait bien pitié. »