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Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, première partie.djvu/323

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dans la suite, quand nous en avons pris l’habitude, ou, comme on devrait dire, quand nos organes ont contracté l’habitude qui résulte de la fréquente répétition de cette action. Nous en devons conclure, qu’au moins dans l’espèce humaine, quand même l’individu naîtrait avec l’entier développement de tous ses organes, il n’en serait pas moins réduit d’abord à un degré bien borné d’intelligence et de capacité ; tous ses mouvemens, tous les actes de sa pensée seraient lents et pénibles : c’est dans tous les genres que nos commencemens sont faibles. Mes jeunes amis, méfiez-vous des poètes, et des philosophes, qui, comme eux, raisonnent d’après leur imagination, et non d’après les faits ; ce sont d’aimables enchanteurs, mais de très-dangereux séducteurs. L’âge d’or, tant vanté, est le temps de la souffrance et du dénuement ; et l’état de nature est celui de la stupidité et de l’incapacité absolue[1].

  1. Il y a pourtant une cause à ce préjugé universel du bonheur de l’âge d’or et de la perfection de l’état de nature, comme il y en a à toutes les erreurs et à toutes les maladies de l’esprit humain, et la voici. Pour tout vieillard, le plus beau temps dont il se souvienne est celui de sa jeunesse ; c’est-là pour lui le