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Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, première partie.djvu/324

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Nous ne tenons de cette nature si admirable, c’est-à-dire de notre organisation, que la possibilité de nous perfectionner, et cela nous suffit ; mais en sortant de ses mains, non-seulement nous sommes dans une ignorance

    temps par excellence, celui des beaux jours et du bonheur ; il le vante sans cesse. Élevé dans le respect de son père, qui faisait de même, il croit facilement que le temps de la jeunesse de ce père était encore supérieur, et que celui de la jeunesse du monde était au-dessus de tout. La masse des hommes, en général mécontente de son sort, croit volontiers à cette supériorité des temps antérieurs, qui lui est continuellement attestée par des gens qui les ont vus. D’ailleurs, elle remarque qu’ordinairement les hommes un peu âgés sont les plus sages ; elle se persuade aisément que les temps où ils sont nés et où ils se sont formés étaient les plus réellement éclairés, et elle s’accoutume ainsi à la folle opinion que tout va dégénérant, sans s’apercevoir qu’il y a là un véritable renversement d’idées ; car si les hommes les plus âgés sont en général les plus éclairés, c’est grâce aux bienfaits de l’expérience, et la même raison fait que ce sont les temps les plus récens où il y a le plus de lumière, puisque ce sont les siècles les plus anciens qui sont vraiment l’enfance du monde. C’est ainsi qu’une idée fausse s’accrédite d’âge en âge, et qu’elle devient la source d’une infinité d’autres dont l’observation attentive de nos facultés doit nous préserver.