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Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, première partie.djvu/329

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positions égales, l’homme qui n’aurait de ressources qu’en lui-même, resterait encore bien loin en arrière du faible degré de perfectionnement du sauvage le plus stupide[1]. Cette simple réflexion suffit pour nous faire sentir de quel triste état le genre humain est parti, et nous pouvons juger combien il a fallu de temps et de peines pour l’amener à celui où nous le voyons, puisque nous avons continuellement sous les yeux des exemples de l’extrême difficulté avec laquelle on découvre la vérité qui paraît la plus simple, et de celle avec laquelle la masse des hommes reçoit des améliorations, qui semblent non-seulement très-aisées, mais même pour ainsi dire inévitables.

  1. C’est avec bien de la raison que de l’adjetif idio, qui signifie propre, particulier, comme dans les mots idiopathique, idio-électrique, on a fait le mot idiot pour désigner un homme d’une intelligence très bornée ; car tel serait bien effectivement l’état de celui qui n’aurait que des idées qui lui seraient propres, c’est-à-dire qui n’en aurait reçu aucune de ses semblables. Tel serait l’état d’un sourd et muet de naissance à qui on n’aurait absolument jamais rien fait comprendre par des gestes. Encore aurait-il vu les actions des autres hommes, qui au moins l’auraient fortement excité à penser.