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Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, première partie.djvu/342

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être sans projet ; il s’aperçoit qu’il frappe l’oreille de son semblable, qu’il attire son attention, qu’il lui donne une notion de ce qui se passe en lui ; il répète ce cri avec l’intention de se faire entendre ; bientôt il en fait d’autres qui ont une autre expression ; il s’applique à varier ces expressions, à les rendre plus distinctes, plus circonstanciées, plus déterminantes ; il modifie ces cris par des articulations ; ils deviennent des mots auxquels il fait subir diverses altérations pour indiquer leurs rapports ; il en forme des phrases dont la tournure varie suivant les circonstances, les besoins, l’objet qu’on se propose, le sentiment dont on est animé : voilà une langue. D’observations en observations sur les effets de cette langue, on parvient au talent le plus exquis pour exprimer les idées les plus fines, exciter les sentimens les plus véhémens et procurer les plaisirs les plus délicats : on en prescrit même les règles. Cependant on n’a pas encore démêlé jusque dans leur principe les causes de l’analogie des formes différentes que cette langue sait prendre, les lois générales qui les régissent, les effets qu’elle produit dans l’esprit de celui même qui s’en