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Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, première partie.djvu/359

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simples, ni analyser nos idées composées ; qu’ainsi les langues sont aussi nécessaires pour penser que pour parler, pour avoir des idées que pour les exprimer, et que sans elles nous n’aurions que des notions très-peu nombreuses, très-confuses et très-incomplètes : c’est ce qui lui a fait dire que les langues étaient des méthodes analytiques qui guidaient notre intelligence dans ses calculs. C’est là vraiment un trait de génie qui ne pouvait naître que de l’étude très-approfondie de l’intelligence humaine, et qui jette le plus grand jour sur le mécanisme de nos opérations intellectuelles. Mais, suivant moi, Condillac aurait dû énoncer différemment sa découverte, et dire que tout signe est l’expression du résultat d’un calcul exécuté, ou, si l’on veut, d’une analyse faite, et qu’il fixe et constate ce résultat ; ensorte qu’une langue est réellement une collection de formules trouvées, qui ensuite facilitent et simplifient merveilleusement les calculs ou analyses qu’on veut faire ultérieurement. C’est bien là ce qu’est l’algèbre : aussi l’algèbre est-elle une langue, et les langues ne sont elles-mêmes que des espèces d’algèbres.