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Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, première partie.djvu/362

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cette manière d’opérer tient au long usage que nous avons des mots, et que notre esprit, accoutumé dès long-temps à se servir de ce moyen, s’en est fait une nécessité qui n’est pas réelle : mais un exemple frappant va nous montrer que ce n’est point là uniquement un effet de l’habitude, qu’il y a autre chose dans ce phénomène, et qu’il est fondé sur la nature même de l’opération intellectuelle qui s’exécute.

Nous avons tous l’idée de l’unité, peu importe pour le moment comment nous l’avons acquise : nous savons que l’adjectif un exprime la qualité d’un être isolé, considéré séparément de tout autre comme n’étant ni répété ni divisé. C’est déjà un signe précieux que ce mot un ; il fixe dans nos têtes une idée qui, sans son secours, demeurerait très-vague. Si à lui tout seul il ne nous donne point encore les idées des différens nombres, à coup sûr sans lui nous ne les aurions jamais ; car tous les nombres possibles ne sont que l’unité répétée plus ou moins. Le mot un est donc le germe de toutes les idées de nombre, et c’est un grand pas que de l’avoir créé. Cependant supposons que nous n’avons point d’autre nom de nombre, et