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Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, première partie.djvu/435

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ne sont pas comprises les circonstances de temps et de lieu, et autres particulières à chacune d’elles.

C’est ainsi que l’idée de rouge n’est plus pour nous le souvenir de l’impression causée par tel corps rouge, mais de celle produite également par tous les corps rouges ; de même que l’idée de bonté n’est plus celle de la qualité de tel être bon, mais de tous les êtres bons.

Il en est de même de nos idées des êtres réels : celles-là sont toujours composées. Nous les formons de la réunion de toutes les impressions qu’ils nous font.

De la réunion d’une certaine odeur, d’une certaine saveur, j’ai formé l’idée de la première fraise que j’ai vue. Aujourd’hui l’idée de fraise est pour moi une idée généralisée et commune à tous les êtres à peu près semblables auxquels je l’ai étendue, en écartant les petites différences qu’il y a entr’eux.

C’est donc en réunissant plusieurs de nos idées ou perceptions élémentaires, que nous formons nos idées composées individuelles, et en retranchant de celles-ci quelques circonstances, que nous les généralisons.

Ces deux opérations suffisent à former toutes nos idées composées, et elles ne renferment jamais d’autres élémens que des sensations, des souvenirs, des jugemens et des desirs.

Il est seulement à remarquer qu’il n’existe réellement que des individus, et que nos idées générales ne sont point des êtres réels existans hors de nous, mais de pures créations de notre esprit, des manières de classer nos idées des individus.