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Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, première partie.djvu/437

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On en doit dire autant des sensations visuelles ; car, indépendamment de beaucoup d’autres raisons, comme il est constant que le même être produit sur notre œil des impressions différentes suivant les circonstances, les positions et les distances, il est manifeste que ce n’est aucune de ces impressions qui nous apprend l’existence réelle et permanente de cet être.

Les sensations tactiles que nous éprouvons sans faire nous-mêmes aucun mouvement, n’ont pas plus de pouvoir à cet effet que les précédentes ; comme elles, elles nous font bien sentir notre sensibilité, notre propre existence ; mais elles ne sauraient nous apprendre ce qui la met en jeu.

La sensation que nous éprouvons lorsqu’un de nos membres s’agite fortuitement, paraît, au premier coup-d’œil, plus propre à nous instruire sur ce point ; car quand elle cesse par l’effet d’un obstacle, nous en sommes avertis : cela est vrai ; cependant rien ne nous indique encore ni pourquoi elle cesse, ni ce qui s’y oppose, ni si nous avons des membres, ni ce que c’est que leur mouvement.

Mais si à cette sensation de mouvement nous ajoutons la condition qu’elle soit volontaire, qu’elle soit accompagnée du désir de l’éprouver encore, nous sommes sûrs, lorsqu’elle cesse, que ce n’est pas de notre fait. Nous sommes certains en même temps de l’existence de nous qui voulons et de celle de quelque chose qui résiste ; ou si nous n’apercevons pas dès le premier instant cette seconde existence, bientôt une foule d’expériences nous en assure, en nous montrant que beaucoup d’impressions de differens genres cessent constamment quand ce sentiment de résistance s’éva-