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Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, première partie.djvu/75

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nos nerfs a échappé jusqu’à présent à toutes les observations.

J’ai dit que la mémoire consiste à sentir les souvenirs des sensations passées : entendez qu’elle consiste aussi à sentir les souvenirs de nos jugemens, de nos desirs, de toutes nos idées composées ; et même de nos souvenirs eux-mêmes, car continuellement il nous arrive de nous souvenir d’impressions qui ne sont elles-mêmes que des souvenirs.

On a excessivement admiré cette faculté appelée la mémoire ; et certes ce n’est pas sans raison ; mais, pour être juste, il aurait fallu commencer par s’émerveiller de celle nommée sensibilité ; car s’il est très-surprenant qu’un être quelconque ait la propriété d’être affecté du souvenir d’une impression qu’il a reçue, il ne l’est pas moins que cet être soit capable d’être modifié de tant de manières par l’effet de tout ce qui l’approche. L’un et l’autre sont des résultats d’une organisation dont les ressorts secrets sont impénétrables pour nous. Tout est également admirable dans la nature, depuis la moindre végétation jusqu’à la plus sublime pensée. Mais se borner à l’admirer et à la célébrer,