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Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, première partie.djvu/80

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arrive de prendre l’un pour l’autre. Ces observations indiquent bien qu’il n’est pas absolument de l’essence de la sensation de faire connaître d’où elle vient ni par où elle vient ; qu’on sent souvent sans savoir cela, et que, par conséquent, ce ne sont pas deux choses inséparablement unies. Cependant tous ces faits ne sont pas aussi décisifs que celui que j’ai allégué à propos de la mémoire. On pourrait essayer d’expliquer ceux-ci par les circonstances de notre organisation. À défaut de la preuve de fait, ayons donc recours à la preuve de raisonnement, qui nous a déjà réussi. Disons de la sensibilité ce que nous avons dit de la mémoire.

Sentir une sensation est un acte de la sensibilité proprement dite ; et sentir que cette sensation nous vient d’un tel corps et par tel organe, c’est sentir un rapport entre cette sensation et ce corps ou cet organe ; c’est un acte du jugement. Ainsi il est évident qu’il n’appartient pas à la sensibilité proprement dite, et que par conséquent l’un n’est point essentiellement et nécessairement inséparable de l’autre. Concluons donc, quoique cela répugne à nos habitudes les plus invétérées, qu’il n’y a rien dans la simple sensation qui