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Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/134

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Dans la théière, on avait mis une pleine cuillerée de cette herbe bienfaisante pour miss Tox, plus une pleine cuillerée pour parfumer la théière, c’est une de ces illusions comme on sait, qui font les délices des bonnes ménagères[1] : puis, après déjeuner, elle monta pour mettre sa valse des oiseaux sur sa harpe, pour arroser et arranger ses plantes, épousseter mille petits riens, et, suivant sa coutume de chaque jour, faire de son petit salon l’ornement de la place de la Princesse.

Pour ce faire, miss Tox avait mis une paire de vieux gants feuille morte, dont elle avait l’habitude de se servir pour ces sortes d’occupations : ordinairement, ils étaient cachés aux regards des humains et soigneusement serrés dans un tiroir. Elle se mit méthodiquement à la besogne, elle commença par la valse des oiseaux, puis, par une association d’idées dont nous ne nous rendons pas compte, elle passa à son serin, canari aux hautes épaules, chargé d’ans, très-fripé, mais le plus grand chanteur que connût la place de la Princesse ; ensuite elle prit, selon l’ordre de son programme, ses petites chinoiseries, ses cages à mouches faites en papier, etc. ; enfin, dans sa tournée, elle arriva aux plantes fort à propos ; car elles avaient grand besoin de quelques coups de ciseaux pour des raisons botaniques dans lesquelles miss Tox avait la plus grande confiance.

Cette matinée-là, miss Tox était en retard pour ses plantes : le temps était chaud, le vent soufflait du sud, et il y avait dans l’atmosphère d’été de la place de la Princesse quelque chose qui tournait les pensées de miss Tox du côté de la campagne.

Le garçon attaché à l’auberge des Armes de la Princesse, était sorti avec un seau pour arroser la place : ce qui donnait à ce terrain, planté d’herbe, un parfum de fraîcheur que miss Tox appelait une odeur de pousse. Par la grande rue du coin, pénétrait un petit rayon de soleil, sur lequel sautaient et ressautaient les moineaux enfumés, qui se coloraient momentanément, quand ils le traversaient ; là, se baignant dans ses flots de lumière, comme dans un torrent, ils apparaissaient entourés d’une auréole de gloire et devenaient des moineaux superbes, d’ignobles pierrots qu’ils étaient.

  1. En général, il est de règle qu’on mette infuser une cuillerée de thé par chaque personne, plus une cuillerée pour la théière, quel que soit le nombre des personnes.