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Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/206

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de sa prison, qu’il ébranle en poussant des cris aigus ; mais M. Carker ne songe pas à l’oiseau ; ses regards sont fixés sur un tableau suspendu en face de lui ; il rêve et sourit à la fois.

« Vraiment, dit-il, c’est d’une ressemblance incroyable. Que c’est étrange ! »

Au gré du marchand, ce tableau pouvait représenter une Junon, ou la femme de Putiphar, ou bien quelque nymphe dédaigneuse, suivant le goût de l’acquéreur. C’est une tête de femme, d’une grande beauté, qui, en s’éloignant, jette sur le spectateur un regard plein de fierté.

On dirait Edith.

Il fait de la main un geste à ce tableau. Un geste de menace ? Non ; et pourtant on le croirait. Un geste de triomphe, peut-être ? Non ; mais il y a de cela plutôt. Serait-ce un insolent baiser qu’il lui envoie ? Non ; mais dans ce geste il y a de tout cela. Puis, il se lève de table et s’approche de l’oiseau qui s’irrite dans sa prison et qui vient, pour amuser son maître se balancer sur l’anneau doré de sa cage, une espèce d’alliance monstre.

La seconde demeure est située de l’autre côté de Londres, tout près de la grande route du Nord, autrefois si animée, maintenant silencieuse et presque abandonnée. On n’y voit plus que de rares piétons voyageant péniblement le sac sur le dos. Cette maison est petite, sans apparence, meublée simplement et même pauvrement, mais tenue avec la plus grande propreté. Des fleurs ordinaires sont plantées près de la porte et dans le petit jardin. Elle est placée dans un lieu qui n’appartient ni à la ville ni à la campagne. La ville, comme le géant avec ses bottes de sept lieues, a fait une enjambée et a passé par-dessus. Ses assises de briques et de mortier sont bien loin ; mais l’espace intermédiaire entre les deux jambes du géant n’est toujours qu’une campagne flétrie, qui n’est pas la ville. C’est là, au milieu de quelques hautes cheminées qui vomissent la fumée nuit et jour, au milieu de champs à briques, de sentiers où le gazon ne pousse plus, où les barrières sont brisées, où les chardons croissent tout couverts de poussière, où l’on voit encore çà et là un ou deux mauvais buissons, et où l’oiseleur vient encore par hasard perdre son temps, tout en jurant bien chaque fois qu’on ne l’y reprendra plus, c’est là que se trouve la seconde demeure.

Celle qui l’habite est celle qui, dans son dévouement pour un