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Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/25

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avec tant d’activité, qu’elle branlait comme le matin même sous la main de son protecteur.

Polly, qui avait passé Dieu sait combien de nuits sans sommeil à cause de son vagabond de fils qu’elle n’avait pas vu depuis bien des mois, se serait agenouillée devant M. Carker comme devant un bon ange… malgré ses dents. Mais M. Carker se levant pour prendre congé, elle se contenta de le remercier dans toute l’effusion de son cœur de mère, appelant sur lui les bénédictions du ciel. Certes, pour le service qu’avait rendu M. Carker, ces remercîments, vraie monnaie du cœur, étaient une assez forte somme de reconnaissance, pour qu’il redût beaucoup dessus. Il aurait pu lui rendre le tout et se croire encore trop bien payé.

Au moment où Carker se dirigea vers la porte, à travers toute la marmaille, Robin revint vers sa mère, la serrant avec son petit frère dans ses bras comme pour leur demander pardon.

« Je vais piocher dur, chère mère, maintenant. Je vous le jure sur mon âme.

— Allons, mon enfant, c’est bien, sois laborieux ; je suis sûre que tu vas travailler pour notre bonheur et pour le tien ; puis elle l’embrassa en pleurant. Mais tu reviendras me parler quand tu auras dit adieu au monsieur ?

— Je ne sais pas, ma mère. » Robin balbutia et baissa les yeux. « Mon père, quand revient-il à la maison ?

— Pas avant deux heures du matin.

— Je reviendrai, mère chérie, » s’écria Robin.

Puis traversant le groupe de ses frères et de ses sœurs, qui accueillaient sa promesse par des cris de joie, il se hâta d’aller rejoindre M. Carker.

« Qu’y a-t-il donc ? dit Carker qui avait entendu la conversation. Est-ce que tu as un père méchant, hein ?

— Non, monsieur, répliqua Robin tout étonné. Il n’y a pas de père meilleur et plus doux que le mien.

— Eh bien ! pourquoi ne veux-tu pas le voir ? demanda son protecteur.

— Il y a une si grande différence entre un père et une mère, monsieur, répondit Robin en balbutiant. Il aurait bien de la peine à croire que je vais mieux me conduire maintenant, quoiqu’il ne demande pas mieux que de le croire… tandis qu’une mère… elle croit toujours le bien, monsieur ; du moins, j’en suis sûr pour ma mère, que Dieu bénisse ! »