Aller au contenu

Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/26

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Carker ouvrit la bouche, mais il ne dit plus rien avant d’être remonté sur son cheval et d’avoir payé l’homme qui le gardait ; puis regardant du haut de sa monture la figure attentive et éveillée du jeune Toodle, il lui dit :

« Tu viendras me voir demain matin ; on t’indiquera la demeure du vieux monsieur, du vieux monsieur qui était avec moi ce matin et où tu dois aller, tu te rappelles bien ?

— Oui, monsieur.

— Je porte un très-grand intérêt à ce vieux monsieur, et en le servant, tu me serviras, mon garçon. Comprends-tu ? C’est bien, ajouta-t-il, car il voyait la figure de Toodle s’épanouir, ce qui faisait entendre qu’il saisissait fort bien. Je vois que tu comprends. J’ai besoin d’avoir des détails sur ce vieux monsieur, sur sa vie de tous les jours ; car je lui veux beaucoup de bien. Il m’importe particulièrement de connaître les visites qu’il reçoit. Comprends-tu ? »

Robin fit un signe de tête résolu et répondit :

« Oui, monsieur.

— Je voudrais savoir s’il a des amis dévoués et qui ne l’abandonnent pas ; car il vit bien seul maintenant, le pauvre homme ! Je voudrais savoir si ses amis l’aiment réellement lui et son neveu qui est parti. Il y a une jeune demoiselle qui ira le voir peut-être ; c’est sur elle principalement que je désire avoir les renseignements les plus complets.

— J’y ferai bien attention, monsieur, dit Toodle.

— Fais bien attention aussi à ne parler de mes affaires à personne autre qu’à moi, reprit Carker en rapprochant sa figure avec un terrible sourire de celle du jeune homme et en lui frappant sur l’épaule avec le manche de sa cravache.

— Je n’en parlerai à personne au monde, repartit Robin secouant la tête.

— Ni là, dit M. Carker, indiquant du doigt la maison qu’il venait de quitter, ni nulle part. Je verrai jusqu’à quel point tu es fidèle et reconnaissant. C’est une épreuve que je veux faire. »

Dans les paroles de M. Carker, dans le mouvement de ses dents se montrant au grand jour et le branlement de sa tête, il y avait autant de menace que de promesse. Puis il se détacha des yeux de Robin toujours cloués sur lui, comme s’il l’avait ensorcelé corps et âme, et continua sa route. S’apercevant, après quelques instants de marche, que son page dévoué, toujours ceint de son anguille pour la course, le suivait