Aller au contenu

Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/265

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rapports fort regrettables, je suis désolé de le dire, avec certain marin de cabotage dont la réputation n’est rien moins que bonne, et avec un vieux banqueroutier qui a disparu.

— Je sais tous ces détails, monsieur, dit Edith, en abaissant sur lui son regard dédaigneux, et je sais que vous les altérez, à votre insu peut-être ; au moins je l’espère.

— Je vous demande pardon, dit M. Carker, je crois que personne ne les connaît aussi bien que moi. Votre nature ardente et généreuse, madame, cette nature, qui venge si noblement un mari aimé et honoré, et qui lui reconnaît toutes les qualités qu’il possède, cette nature, je la respecte, je la vénère, et je m’incline devant elle. Mais quant aux circonstances pour lesquelles j’ai osé réclamer votre attention, je ne puis avoir le moindre doute à ce sujet, car, en ma qualité de confident de M. Dombey, j’ose dire d’ami de M. Dombey, je m’en suis assuré moi-même. Pour me rendre digne de cette confiance, pour obéir au profond intérêt que je lui porte, intérêt que vous devez si bien comprendre et qui s’étend à tout ce qui le touche, ou bien, si vous voulez (car vraiment je crains d’encourir votre disgrâce), poussé par le motif plus humble de lui prouver mon activité et de me faire mieux agréer c’est moi qui me suis mis à la recherche de tous ces renseignements ; et, pour parvenir à mon but, j’ai employé des gens sûrs : aussi ai-je entre les mains une foule de preuves irrécusables. »

Elle leva les yeux seulement jusqu’à la hauteur de la bouche qui venait de parler, et elle put y voir dans chaque dent percer toute sa méchanceté.

« Veuillez me pardonner, madame, continua-t-il, si dans l’embarras où je suis, je viens prendre conseil de vous, et vous demander votre avis. Je crois avoir remarqué que vous vous intéressez beaucoup à Mlle Florence ? »

Cet homme lisait donc dans le fond de son cœur, il connaissait donc ses sentiments les plus secrets ! Humiliée et hors d’elle-même à cette pensée, elle mordit ses lèvres tremblantes pour cacher son trouble et lui fit un léger signe de tête pour toute réponse.

« Cet intérêt, madame, qui est une nouvelle preuve de l’attachement que vous avez pour tout ce qui touche à M. Dombey, m’invite à tarder encore avant de lui raconter tous ces détails qu’il ignore. À vous dire vrai, je sens à cet égard ma fidélité pour M. Dombey si ébranlée, que, sur un mot de vous, je garderais le silence. »