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Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/64

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— C’est bien dommage ! » dit la petite fille.

Puis bientôt elles s’arrêtèrent à regarder des bateaux et restèrent silencieuses. Florence qui s’était levée en entendant prononcer son nom, et qui avait ramassé ses fleurs pour aller au-devant d’elles afin de leur faire voir qu’elle pouvait les entendre, s’assit et continua sa couronne, ne croyant pas qu’elles dussent reprendre ce sujet ; mais la conversation recommença quelques instants après.

« Florence est aimée de tout le monde ici et mérite de l’être assurément, dit l’enfant avec sentiment. Où est son papa ? »

La tante répondit, après un moment de silence, qu’elle l’ignorait. L’inflexion de sa voix, en faisant cette réponse, fit relever la tête à Florence : toute saisie, elle resta comme clouée à sa place, serrant sa couronne de fleurs sur son sein pour l’empêcher de tomber. Elle était si émue !

« Il est en Angleterre, j’espère, ma tante, dit l’enfant.

— Je le crois ; oui, oui, je sais qu’il y est.

— Est-il jamais venu ici ?

— Non, je ne crois pas.

— Viendra-t-il la voir ?

— Je ne crois pas.

« Est-ce qu’il est estropié, aveugle, ou malade, ma tante ? » demanda l’enfant.

Les fleurs que Florence tenait contre son sein allaient s’échapper de ses mains, lorsqu’elle entendit ces mots, prononcés d’une façon si singulière. Elle les serra encore plus fort contre elle, et laissa retomber tristement sa tête.

« Catherine, dit la dame après un moment de silence, je vous dirai sur Florence ce que j’ai entendu dire moi-même et ce que je crois la vérité ; mais, n’en dites rien à personne au moins, ma chère, car cela pourrait se savoir ici et votre indiscrétion lui ferait de la peine.

— Oh ! non, jamais je n’en parlerai, s’écria l’enfant.

— Vous n’en parlerez jamais, j’en suis sûre ; je puis me fier à vous comme à moi-même. Eh bien ! ma bonne Catherine, le père de Florence, je le crains, ne s’inquiète pas beaucoup d’elle ; il la voit très-rarement, jamais il n’a été bienveillant pour elle et maintenant il l’évite, il fuit sa présence. Elle l’aimerait tendrement s’il le permettait, mais il ne le veut pas, et cependant il n’y a pas de sa faute, à la pauvre enfant : elle ne peut être pour tous les bons cœurs qu’un objet de vive sympathie, de douce et tendre pitié. »