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Page:Dickens - L'Ami commun, traduction Loreau, 1885, volume 2.djvu/102

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L’AMI COMMUN.

trouvé en se promenant. Où est donc votre ami ? Ah ! le voilà. Auriez-vous la bonté, monsieur, de nous aider à porter ces livres. Non ; ne prenez pas celui-ci, ni celui-là ; ce sont les deux Jemmy ; je les porterai moi-même. »

Parlant et se trémoussant avec une extrême animation, le boueur doré présida au transport de ses livres, et ne se calma un peu que lorsqu’il les vit tous déposés sur le carreau de la salle, et que la voiture fut congédiée. « Là ! dit-il en dévorant les volumes du regard, les voilà tous en ligne comme les vingt-quatre violoneux. Chaussez vos lunettes, Wegg ; je sais où trouver les meilleurs, et nous allons y goûter. Comment s’appelle votre ami ? »

Silas Wegg présenta mister Vénus.

« De Clerkenwell ? s’écria mister Boffin.

— De Clerkenwell, répondit l’anatomiste.

— J’ai entendu parler de vous autrefois, du temps du bonhomme. Vous le connaissiez ; vous a-t-il jamais rien vendu ?

— Non, monsieur, répondit l’anatomiste.

— Mais il vous montrait certaines choses pour en savoir le prix ? » Vénus jeta un coup d’œil à son ami, et répondit affirmativement. « Qu’est-ce qu’il vous montrait ? demanda le boueur doré, qui, les mains derrière le dos, avança la tête d’un air avide. Vous a-t-il fait voir des cassettes, des cabinets, des portefeuilles, des paquets, n’importe quoi de ficelé, de fermé à clef, ou de cacheté ? » Signe négatif de Vénus. « Vous connaissez-vous en porcelaine ? » Vénus secoua de nouveau la tête. « C’est que, voyez-vous, si par hasard il vous avait montré une théière, je serais bien aise de le savoir, dit mister Boffin ; et portant la main droite à sa bouche, il répéta d’un air pensif : une théière, une théière ! » Puis il contempla ses livres, comme s’il y avait là quelque chose d’intéressant qui eût rapport à l’objet en question. Les, deux amis se regardèrent avec surprise. Mister Wegg ouvrit de grands yeux par-dessus ses lunettes, et se frappa la narine, comme pour exhorter l’anatomiste à surveiller mister Boffin. « Une théière ! répétait celui-ci en regardant toujours les livres, une théière ! Êtes-vous prêt, Silas Wegg ?

— À vos ordres, monsieur, répondit l’homme de lettres en s’asseyant sur le banc, et en fourrant sa jambe de bois sous la table. Mister Vénus, s’il vous plaisait de vous rendre utile, je vous prierais de vous asseoir à côté de moi, et de vouloir bien moucher la chandelle. »

Tandis que Vénus se conformait à cette demande, Silas le heurta de sa jambe de bois, et lui montra mister Boffin, qui