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Page:Dickens - L'Ami commun, traduction Loreau, 1885, volume 2.djvu/103

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L’AMI COMMUN.

toujours rêveur, était debout entre les deux bancs. « Hum ! hum ! fit mister Wegg pour appeler l’attention du maître. Désirez-vous, monsieur, que je commence par un animal du…

— Non, dit mister Boffin, non. » Et tirant un petit livre de sa poche de côté, il le passa avec précaution à son littérateur, en lui demandant comment s’appelait ce volume.

« Monsieur, répondit Silas en ajustant ses lunettes et en lisant le titre du livre, cela est intitulé : Anecdotes et biographies d’avares célèbres, par Merry-Weather. Mister Vénus, voudriez-vous bien approcher la chandelle. » (Ceci pour avoir l’occasion de regarder son associé d’une manière significative.)

« Quels sont les gens que vous avez-là ? demanda mister Boffin ; pouvez-vous le savoir sans peine ?

— Oui, monsieur, répondit Silas en cherchant la table et en tournant lentement les feuillets. Je crois d’ailleurs qu’ils y sont presque tous ; un riche assortiment ! Mon œil saisit au passage Dick Jarrel, monsieur ; John Overs ; John Little ; John Elwes, monsieur ; le révérend Jones de Blewbury ; Vulture Hopkins ; Daniel Dancer…

— Bien, Wegg ! celui-là, s’écria mister Boffin ; lisez-nous Dancer. »

Après avoir regardé fixement Vénus, l’homme de lettres chercha l’article demandé, et lut ce qui suit : « Page 109, chapitre VIII. Sommaire. Sa famille. Sa naissance. Ses vêtements et son extérieur. Son habitation. La sœur de Dancer. Grâces féminines de celle-ci. Dancer découvre un trésor. Pâtés de mouton. Idée qu’un avare se fait de la mort. Ce qui remplace le feu. Avantage d’avoir une tabatière. Trésor dans un tas de fumier.

« Hein ! s’écria mister Boffin, que dites-vous là ?

— Trésor dans un tas de fumier, répéta distinctement Silas. Mister Vénus, veuillez faire usage des mouchettes. » (Ceci pour appeler l’attention du compère sur les mots tas de cendre, proférés seulement des lèvres.)

Mister Boffin traîna un fauteuil à l’endroit où jusqu’alors il était resté debout, et s’asseyant en se frottant les mains d’un air finaud : « Lisez-nous Dancer, dit-il, lisez-nous Dancer. »

Wegg entama donc l’histoire de cet homme éminent, et la poursuivit à travers ses diverses phases de crasse et d’avarice, depuis les guenilles retenues autour du corps par une ceinture de foin, jusqu’au jour où la sœur mourut d’un jeûne prolongé, rompu seulement par une tranche de poudding froid ; depuis la méthode de réchauffer son dîner en s’asseyant dessus, jusqu’à la mort du frère, qui eut la consolation de finir sa vie dans un sac où il était sans le moindre vêtement ; après quoi