Page:Dickens - L'embranchement de Mugby, 1879.djvu/102

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Après avoir mis ses porte-manteaux en lieu sûr et avoir dit à son hôtel l’heure à laquelle il voulait dîner, notre voyageur sortit pour se promener dans cette ville affairée. Bientôt il s’aperçut avec étonnement que l’embranchement de Mugby semblait posséder d’invisibles ramifications qui reliaient son individualité à une multitude de sentiers humains demeurés inconnus pour lui jusqu’alors. Dans ces rues où, jadis, il eût promené sa pensée morose sans rien voir autour de lui, il se trouvait tout à coup avoir des yeux et des oreilles pour tout un monde extérieur et nouveau. Il se demandait comment ces innombrables travailleurs vivaient et mouraient. Il s’intéressait à ce merveilleux concours d’intelligences, et de forces variées, mises au service d’une même industrie. Il se réjouissait de voir que tous ces ouvriers, loin de se détériorer au contact les uns des autres, ainsi qu’il est de mode de le prétendre, semblaient, au contraire, puiser dans leurs efforts communs, combinés pour atteindre un but civilisateur, un sentiment de vraie dignité personnelle et de respect de soi-même, tempéré par une humble aspiration à devenir plus instruits et plus sages. Il en voyait la preuve dans leur attitude et leur langage lorsqu’il s’arrêtait pour faire une question ou demander un renseignement. Il remarquait aussi sur les murailles les annon-