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Page:Dickens - L'embranchement de Mugby, 1879.djvu/31

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« Un autre jour d’abondance, je me hasardai dans un grand restaurant et demandai une tranche de bœuf à la mode, pour manger avec le pain que j’avais apporté sous mon bras, enveloppé de papier comme un livre. Ce que pensa le garçon de service de cette étrange petite apparition, surgissant là toute seule, je l’ignore ; mais je le vois encore me regarder fixement tandis que je mangeais… Je lui donnai un sou et j’aurais voulu qu’il ne le prît pas. »

La grande fête du pauvre Charles était le samedi soir. Il retournait chez sa mère, ses six shillings en poche, s’arrêtant devant toutes les boutiques pour se demander ce qu’il pourrait acheter avec une si grosse somme. Il paraissait, sous le nom de Portefeuille, une édition périodique à bon marché de pièces choisies qui le tentait singulièrement. Quelquefois il ne résistait pas à l’envie d’entrer dans une baraque pour admirer un chien savant, un sauvage ou un nain. Sur ces entrefaites, les affaires s’embrouillant de plus en plus, la famille Dickens alla vivre près de son chef dans la prison même. Charles fut confié à une vieille dame pauvre qui prenait des enfants en pension. Elle en avait trois déjà chez elle. Charles se procurait lui-même les deux sous de lait nécessaires à son déjeuner ; il avait un petit pain et un quart de fromage sur une planche spéciale pour son souper. Ces deux repas faisaient un trou con-