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Page:Dickens - L'embranchement de Mugby, 1879.djvu/45

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temps il se promena ainsi de long en large, ne cherchant rien et ne trouvant pas davantage.

Cet embranchement de Mugby, pendant les heures de la nuit, était un endroit vraiment bien singulier, tout rempli de vaporeux fantômes. Des trains de mystérieuses marchandises, recouvertes de bâches qui avaient l’air de grands draps mortuaires, semblaient fuir la clarté des quelques lampes restées allumées, à la façon des criminels, et comme si le lugubre chargement qu’ils portaient avait été secrètement et traîtreusement mis à mort. Ils paraissaient poursuivis par d’innombrables wagons de houille, qui, semblables aux détectives à la piste des malfaiteurs, allaient où ils allaient, s’arrêtaient quand ils s’arrêtaient, et rétrogradaient lorsque les coupables wagons rebroussaient chemin. — Des charbons incandescents pleuvaient sur le sol, comme si de cruels bourreaux attisaient les feux destinés aux victimes, et l’on entendait, dans l’air, de sourds gémissements mêlés à des hurlements plaintifs, comme si les torturés en étaient arrivés au dernier degré de leurs atroces souffrances. — On entrevoyait aussi de mornes bestiaux se débattant au milieu de cages à barreaux de fer, les yeux glacés par la terreur, tandis que l’écume blanche qui entourait leurs mufles puissants ressemblait assez à des glaçons pendant de leurs lèvres. Il y