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Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 1.djvu/219

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— Que si, répliqua la vieille femme, je le pense tout à fait. S’il ne s’était pas consumé sur ses livres, parce qu’il avait peur de vous, il serait maintenant gai et bien portant ! Je le sais bien, allez ! »

Le maître d’école regarda les autres femmes comme pour obtenir qu’une d’entre elles prononçât en sa faveur une parole bienveillante ; mais elles secouèrent la tête, et se dirent mutuellement à l’oreille qu’elles n’avaient jamais pensé que l’instruction fût bonne à grand’chose, et que cet exemple le prouvait bien. Sans répliquer par un seul mot, par un seul regard de reproche, le maître suivit la vieille garde-malade qui était venue le chercher et qui arrivait à l’instant, dans une autre chambre où l’enfant chéri du maître se trouvait à demi habillé et étendu sur un lit.

C’était un très-jeune garçon, presque un petit enfant. Ses cheveux encore bouclés ombrageaient son front, et ses yeux étaient extrêmement brillants ; mais leur éclat tenait plus du ciel que de la terre. Le maître d’école s’assit près de lui, et, se penchant vers l’oreiller, lui murmura son nom. L’enfant tressaillit, lui caressa le visage avec sa main, lui enlaça le cou de ses bras amaigris, en s’écriant que c’était son cher bon ami.

« Oui, je le suis, je l’ai toujours été, Dieu le sait ! dit le pauvre maître d’école.

— Quelle est cette jeune fille ? demanda l’enfant, à la vue de Nelly. Je n’ose l’embrasser, de peur de lui donner mon mal. Priez-la de me serrer la main. »

Nelly s’approcha en sanglotant et prit dans ses mains la petite main languissante que l’enfant malade retira au bout de quelques moments, en se laissant retomber doucement.

« Vous souvenez-vous du jardin, Harry, dit à demi-voix le maître d’école pour le tenir éveillé, car il semblait s’appesantir ; vous souvenez-vous comme vous le trouviez agréable le soir ? Il faut vous dépêcher de revenir le visiter encore, car je crois que toutes les fleurs vous regrettent. Je les trouve moins brillantes qu’auparavant. Vous y viendrez bientôt, mon cher petit, le plus tôt possible, n’est-ce pas ? »

L’enfant sourit doucement, tout doucement, et posa sa main sur la tête grise de son ami. Il remua aussi les lèvres, mais sans voix ; il n’en sortit pas un son, pas un seul.

Au milieu du silence qui suivit ces paroles, le bruit de voix