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Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, II.djvu/775

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CON

n’est pas né pour concerter, mais pour avoir au moins le goût de la musique.

☞ Et quelquefois tenir concert, faire un concert. On concerte souvent chez un tel. Ils concertent ensemble.

Concerter se dit figurément pour conférer ensemble sur les moyens de faire réussir une affaire, une intrigue. Consultare, deliberare, consilia conferre, commiscere, conjungere. On ne sauroit trop concerter les grandes entreprises. On le dit même d’une personne seule qui raisonne en elle-même sur l’éxécution de quelque chose. Il a long temps concerté dans son esprit, il a bien examiné toutes les circonstances de ce dessein, avant que de l’entreprendre. Les desseins du Cardinal de Richelieu étoient plus vastes, mais moins justes, & moins concertés que ceux du Cardinal Mazarin. S. Evr. Il entre toujours quelque chose du tempérament dans les desseins les plus concertés. Id. Ce sont des témoins fidèles (les Evangélistes) qui ne se sont point enfermés ensemble pour concerter ce qu’ils avoient à dire. Peliss.

CONCERTÉ, ÉE. part. On dit figurément qu’une personne est bien concertée ; pour dire, qu’elle affecte un certain extérieur modeste & prudent, que toutes ses actions & ses paroles sont étudiées, affectées, & souvent hypocrites. Dans les affaires solides & sérieuses, on a l’esprit concerté ; & on ne connoît pas ceux qui les font : c’est dans les plaisirs qu’on connoît les gens jusqu’au fonds du cœur. M. Scud. La clémence de Néron étoit feinte & concertée. Les amitiés qui nous paroissent les plus fortes, ne sont que des intérêts concertés. S. Evr.

Ses gestes concertés, ses regards de mesure,
Ne laissoient aucun mot aller à l’avanture. Corn.

☞ CONCERTO. s. m. terme de Musique, emprunté de l’italien. Pièce de symphonie faite pour être exécutée par tout un orchestre, & dans laquelle quelque instrument joue seul de temps en temps avec un simple accompagnement. Jouer un concerto, exécuter un concerto.

☞ CONCESSION. s. f. Don, octroi que fait un Souverain ou un Seigneur, de quelque terre, de quelque droit ou privilège. Concessio. Cette Abbaye jouit d’une telle terre, d’une telle exemption, par la concession de S. Louis. Le Pape fait des concessions d’indulgences plénières. On appelle aussi concession la chose même qui est accordée. Les grands droits dont jouissent les Abbayes, sont des concessions des Seigneurs qui les ont fondées, ou de ceux qui s’y sont faits Religieux.

Concession est aussi une figure de Rhétorique, par laquelle on accorde quelque chose à son adversaire, soit pour ne pas former d’incidens inutiles, soit pour en tirer quelque avantage. Concessio.

☞ Je vous passe qu’il soit honnête homme ; cela le rend-il capable de son emploi ? Elle est belle, il est vrai ; mais fait-elle un bon usage de sa beauté ?

Concession se dit aussi du terrain que le Roi accorde dans les Colonies Françoises soit à une compagnie, soit à des particuliers pour le défricher, le cultiver, le posséder. Campus, ager, à Rege concessus in Coloniis. Faire valoir sa concession de la manière la plus pacifique. Pacificè agrum sibi concessum exercere. Etre dépossédé de sa concession. Id. Un tel a deux concessions au Mississipi qui lui font un bon revenu. Il n’y a guère que les habitans d’une Colonie qui puissent faire valoir les concessions.

CONCESSIONAIRE. s. m. Celui en faveur de qui une concession a été faite.

CONCESSUM ut petitur. Voyez Signature.

CONCETTI. s. m. pl. C’est un mot italien, qui au singulier concetto, signifie une pensée ingénieuse, délicate, brillante. Nous employons le pluriel pour signifier des pensées d’esprit, où il y a de l’affectation, & plus de brillant que de solidité, comme on en trouve sur tout dans les Auteurs italiens. Acumen, fulgor, inanis scintilla. Ce mot n’est point du style oratoire. Par un ouvrage rempli de clinquant, on entend communément un ouvrage fleuri, mais dont les fleurs sont de courte durée : un ouvrage rempli de pensées plus spécieuses que solides : plein d’un faux brillant qui séduit d’abord, mais qui ne tient guère contre une attention sérieuse ; un ouvrage où la raison & le jugement ont eu moins de part que l’imagination : un ouvrage enfin rempli de ce que les Italiens appellent concetti, dont le sérieux de notre langue condamne l’usage. Avare de ces concetti si prodigués en Italie, l’Auteur de la Jérusalem fait à peine sentir qu’il étoit Italien. Cette harangue est pleine de concetti & de faux brillans.

Dans un goût différent la brillante Italie
Fait de ses concetti la beauté du génie ;
Mais dans cette carrière on en a vû plus d’un,
En cherchant de l’esprit, perdre le sens commun.

☞ Chez les Italiens ce mot n’est pas pris en mauvaise part comme parmi nous,

☞ On dit aussi concetto.

Car ainsi qu’à la Comédie
A chaque brillant concetto
On vous claque à l’Académie,
Mais on n’y siffle qu’in petto.

CONCEVABLE. adj. m. & f. Ce que l’esprit peut aisément concevoir. Comprehensibilis. L’attrait de la nouveauté a un pouvoir qui n’est pas concevable. M. Esp.

CONCEVOIR. v. a. Je conçois, j’ai conçu, je conçus, je concevrai. Que je conçoive, je concevrois, que je conçusse. ☞ Ce mot se dit particulièrement des femmes, & signifie devenir grosse d’enfant. Filium, fœtum concipere. La Sainte Vierge a conçu Notre-Seigneur dans ses entrailles. On le dit d’ordinaire absolument. La Sainte Vierge a conçu par l’opération du Saint-Esprit. Suivant le cours ordinaire de la nature les femmes ne sont en état de concevoir qu’après la première éruption des règles ; & la cessation de cet écoulement à un certain âge les rend stériles pour le reste de leur vie.

☞ On le dit aussi des femelles des animaux, mais seulement en parlant de l’espèce en général. Les brebis conçoivent plus ordinairement au printemps qu’en autonne. Les biches conçoivent vers la fin de l’autonne. On ne diroit pas qu’une brebis, qu’une biche a conçue ; mais qu’elle est devenue pleine.

☞ On le dit aussi de la plupart des passions qui naissent dans le cœur. Concevoir de l’amour, de la haine, de l’horreur, du dépit, &c. On lui a fait concevoir de belles espérances. Il a conçu de l’amour pour cette fille. Il en est devenu amoureux. Il a conçu de l’ambition, il est devenu ambitieux.

Concevoir se dit aussi figurément de la simple vue que nous avons des choses qui se présentent notre esprit, sans en former aucun jugement. Log. Il signifie aussi, avoir l’intelligence prompte, facile, se former des idées justes relativement à l’ordre & au dessein de ce qu’on se propose. Aliquid animo concipere, cogitatione capere. Pour croire les choses qui sont de la foi, il n’est pas nécessaire de les concevoir. Une chose est avilie auprès de bien des gens dès qu’elle est facile à concevoir. Font. Le Lecteur prend d’ordinaire pour galimatias ce qu’il ne conçoit pas. Boil.

Peux-tu bien concevoir, dans ces tristes momens,
La rigueur de mon sort, mes craintes, mes tourmens ? Capistron.

Concevoir, dit M. l’Abbé Girard, exprime une conformité d’idées, avec les objets présentés, comme entendre & comprendre ; & c’est-là leur signification commune ; mais celle qu’exprime le mot de concevoir, regarde plus particulièrement l’ordre & le dessein de ce qu’on se propose. On l’emploie avec grâce