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Page:Dictionnaire pratique et historique de la musique.pdf/192

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que tous les psaumes harmonisés à 4 parties, avec la mélodie à la partie supérieure, de Goudimel (1565) et de ses émules. Ainsi se crée une manière d’écrire spéciale aux pièces de destination populaire, chansons à danser, cantiques, psaumes, où l’individualité des parties disparaît devant l’unique suprématie d’une mélodie conductrice, à laquelle, comme au temps de l’organum, mais sous des formes riches et variées, l’H. se trouve asservie. Cette évolution se trouve favorisée pendant le xvie s., par la vogue universelle du luth, sur lequel on transporte les œuvres vocales polyphoniques, mais sans pouvoir leur conserver, ni dans la notation en tablature, ni dans l’exécution, leur style contrepointique, qui se trouve étrangement détourné de son sens et remplacé par des alternatives d’accords pleins, de dessins mélodiques et de petits ornements. Les altérations accidentelles, sous-entendues dans la notation des parties vocales, se révèlent dans la tablature et fixent sur de nouvelles bases les formules décisives des cadences et d’une façon générale le rôle et l’emploi des accords. En même temps, les essais de chromatisme que tentent les compositeurs de madrigaux, Cyprien de Rore, Luca Marenzio, marquent une tendance à envisager plus particulièrement les problèmes de la tonalité. Les sensations auditives nouvelles qu’on y découvre, sont aussitôt mises à profit sous le rapport expressif par les auteurs de monodies et d’opéras, entre lesquels Monteverde innove avec une hardiesse extrême. Sous cette impulsion s’accomplissent des changements étroitement reliés entre eux : la substitution du chant à voix seule, accompagné d’une basse plus ou moins chargée d’accords, au chant polyphonique ; l’abandon du style contrepointique, que remplacent des parties harmoniques entièrement soumises à une mélodie prédominante ; la transformation de la tonalité, opérée par l’effet de cette conception du rôle des parties, et qui, en rejetant le système plural des anciens modes, s’établit fermement sur le majeur moderne et son dérivé mineur, en faisant osciller bientôt tout l’équilibre de l’H. sur les deux accords essentiels de la tonique et de la dominante. Les praticiens de l’accompagnement hâtent cette transformation, en réduisant le choix des accords à quelques formules stéréotypées qui peuvent se noter par des chiffres abréviatifs. (Voy. Basse chiffrée, Chiffrage.) l’opposition de certains maîtres attachés aux anciens modes se maintint cependant jusque dans le xviie s. Auxcousteaux se fit traiter de « fieffé pédant » pour son attachement aux formes sévères dont il avait donné d’admirables spécimens dans ses Quatrains sur les vers de Mathieu (1643). Mais Roberday, tout en conservant dans ses pièces d’orgue (1660) les traditions de la polyphonie, revendiquait le droit d’innover en disant que, si « l’ouvrier ne doit jamais sortir des règles de son art », on doit avouer « que la musique est inventée pour plaire à l’oreille et que par conséquent tout ce qui se trouvera estre agréable à l’oreille doit toujours estre censé dans les règles de la musique ». Les compositeurs, pendant une longue période de temps, usent peu de cette liberté et leurs innovations portent moins sur l’H. que sur les autres éléments du langage musical. Lulli, à la fin du xviie s., fixe la forme des chœurs d’opéra, masses pesantes et majestueuses, aux mouvements symétriques et prévus, et celle des interventions harmoniques dans le récitatif et les airs. C’est dans la musique instrumentale que se perpétuent les traditions du contrepoint et de l’ « écriture horizontale » (ex. A) :


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        fa8[ <sib re,> <fa re> <sib re,>]  << {la4~ la16[ sib la sol] } \\ { do,4 do8[ fa] } >> | \break
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        <fa re>4~\( <fa re>16[ <sol mib> <fa re> <mib do>] \stemDown <re sib>8[ <re sib>\) <sib fa> <re sib fa>] | 
        << { do8[ fa] do[ fa] re sib'] s4 | sol8[ do16 sib] la8 } \\ { <la, fa>4 <la fa>8[ <la fa>] <sib fa>[ re] <sol re>8.[^\mordent <sol re sol,>16] | <mi sol,>8 r } >>
        }
       }
    >>
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      \new Voice {
        \relative do' { 
        r2 \clef treble fa8 fa16[\( sol] la8[ fa]\) |
        \once \stemUp sib8 sib,16[\( do] re8[ sib]\) \clef bass fa8 fa16[\( sol] la8[ fa]\) | \break
        \override Score.Clef.break-visibility = ##(#f #f #f)
        \override Score.KeySignature.break-visibility = ##(#f #f #f)
        sib2 sib,8 sib16[\( do] re8[ sib]\) | fa'8 fa16[\( sol] la8[ fa] sib8\) sol16[\( la] sib8[ sol] | do8\) s s^\markup \raise #2 { \italic "etc." }
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      }
    >>
  >>
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(Lulli, Armide, Prélude de l’acte v.)


Bach, qui les porte à leur maximum de beauté et de science, semble rester à l’écart du courant nouveau qui porte les musiciens vers l’étude de l’H. et de l’ « écriture verticale » (ex. B.) : il contribue cependant fortement à en assurer le