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Page:Dictionnaire pratique et historique de la musique.pdf/193

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progrès, en travaillant à l’adoption du tempérament et à l’ordonnance des modulations qui amènent dans un ordre régulier les accords caractéristiques de chaque tonalité.


(Lulli, Atys, Chœur final.)


Son œuvre reste cependant, pour plus d’un siècle, presque totalement ignorée et sans influence réelle sur la direction des idées artistiques et sur les travaux des compositeurs et des théoriciens, que préoccupent surtout la pratique de l’accompagnement, et la coordination des accords qui s’y produisent et qui soutiennent la mélodie tout en lui obéissant. EN 1722, le Traité de l’H. de Rameau ouvre aux regards des musiciens des horizons nouveaux, en même temps qu’il attire sur la théorie musicale l’attention d’une portion du monde savant. Rameau y pose les prémisses d’un système qu’il développera en d’autres écrits et que dès l’abord il déclare fondé sur « les principes naturels », c’est-à-dire sur les données acoustiques fournies par le partage de la corde vibrante, les rapports des sons et l’existence des sons harmoniques, toutes matières que les travaux encore récents du physicien Sauveur avaient proposées à l’étude des « philosophes ». Tous les degrés de la gamme diatonique étant reconstruits par le rapprochement des sons fournis par la résonance du corps sonore, Rameau met en fait que « la mélodie naît de l’H. » ; pour adapter sa théorie à des buts pratiques, il établit une classification des accords, considérés en eux-mêmes et d’après leur relation avec ceux qui les précèdent ou les suivent, desquels ils dépendent ou qu’ils commandent, par anticipation, supposition, suspension, prolongation ; il entreprend enfin d’établir entre eux un lien rationnel et fixe, par l’artifice de la basse fondamentale, devenu par la suite à ses yeux comme à ceux de ses commentateurs, la clef de voûte de sa doctrine. Rendu accessible à tous par l’abrégé qu’en fit paraître d’Alembert (1752), le système de Rameau trouva en Marpurg un propagateur allemand (1762), et inspira le Traité des accords de l’abbé Roussier (1764), le Dictionnaire des accords, etc.

Tout le « secret » de la composition paraissait désormais reposer sur l’agencement des intervalles en combinaisons simultanées. En tous pays, de nombreux ouvrages parurent pour l’enseigner ou pour en proposer des explications et des classifications personnelles. En Italie, Tartini passait pour avoir le premier découvert le phénomène des sons harmoniques, dont les traités de Valloti (1779) et de Sabbatini (1789-1790) développaient les conséquences fécondes, ce dernier même d’une façon en quelque sorte prophétique, puisqu’il envisageait la formation d’accords parfaits avec neuvième, avec onzième ajoutées, dont l’emploi ne devait être tenté que de nos jours. En Allemagne, après Marpurg, apparaissaient les professionnels de la pédagogie musicale, Sorge, Kirnberger, Vogler, Knecht, Gottfried Weber et leur descendance jusqu’à Œttingen, Riemann, Jadassohn, chacun avec son système et peut-on dire, son lexique harmonique. En France, à l’époque de la fondation du Conservatoire, le sceptre de cet enseignement passa des mains des héritiers de Rameau à celles de Catel, dont le Traité d’H. (1802) resta longtemps en quelque sorte officiel, avant d’être remplacé par celui de Reber (1862), que continuent les ouvrages de Durand et de Dubois, celui-ci complétant le traité de Reber. La tradition établie dans l’enseignement place l’étude de l’H. après celle du solfège supérieur et avant celles des formes développées du contrepoint et de la fugue ; on appelle H. élémentaire ou H. consonante un premier degré d’enseignement pendant lequel l’élève est exercé à écrire à deux, puis à trois et enfin à quatre parties, en s’astreignant à des règles étroites