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Page:Dictionnaire pratique et historique de la musique.pdf/312

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et le discrédit, malgré la valeur d’un Piccini, longtemps rival de Gluck. Au début du xixe s., en dépit des louables essais d’un Spontini, et même d’un Rossini, — mais ce dernier ne croyait plus à la valeur de l’œuvre, — l’O. italien ne vivait plus que par l’accoutumance. Plus tard, il reparaît encore sous la plume de Verdi (1813-1901), mais si celui-ci, dans la Traviata (1853), reste toujours fidèle aux formes les plus choisies de l’O. italien, il est bientôt influencé par l’œuvre de Richard Wagner, le véritable créateur du « drame musical », et c’est à ce genre désormais qu’il faut rattacher l’œuvre du dernier grand maître du théâtre italien chanté. Après lui, Boïto, dans son Mefistofele (1875), se rattache résolument au genre nouveau, qui devient absolument international. || En France, l’introduction de l’O. italien par les soins de Mazarin suscita des imitations, dont la Pastorale de Perrin, représentée à Issy en 1659, la « première comédie française en musique », dit le titre, marque le début : la musique en est malheureusement perdue. Une Ariane du même compositeur (également perdue) devait suivre la représentation précédente. Ce fut Perrin qui suggéra à Colbert l’idée d’établir une « Académie de Poésie et de Musique » et, en 1669, avec son confrère Cambert, il recevait un privilège pour fonder « des Académies d’Opéra ou Représentations en Musique en vers français ». Ce fut la fondation de l’O. français et, en même temps, du théâtre qui porte le même nom et prolonge jusqu’à notre temps le titre d’ « Académie de Musique » que Colbert avait agréé. Pomone, pastorale de Cambert, fut représentée pour l’inauguration du nouveau théâtre, en 1671 ; la Pastorale héroïque des Peines et des Plaisirs de l’Amour, en 1672. De son côté, Lulli, qui cultivait un genre analogue, avait donné, en 1671, la « tragédie-ballet » de Psyché, sur les paroles de Molière, et qui est déjà, a dit un excellent critique (L. de La Laurencie) « un O. sans récitatif ». Bientôt, succédant à Perrin et Cambert dans la direction du théâtre, Lulli entre directement dans la voie de la tragédie lyrique, et marque le point de départ définitif du genre avec Cadmus et Hermione, « tragédie en musique » (1673).

Lulli n’a pas créé tout de suite et en une fois la forme d’O. dans laquelle il s’est finalement figé et personnifié. On constate une série de tâtonnements dans ses premiers ouvrages et une progression vers un moule arrêté. Cadmus et Hermione contient des morceaux « du plus grand Lulli », comme les adieux de Cadmus à Hermione, dans les airs comiques, des airs dansés, et une grande scène de temple, qui est un des premiers modèles de ce genre pompeux, tant et si longtemps apprécié du public français. Dans Alceste (1674) et Thésée (1675), un mélange de tragique et de comique produit une impression choquante. Avec Atys (1677), Lulli se dirige décidément vers « la tragédie de salon ou de cour, psychologique, galante et oratoire. » (R. Rolland). Ce furent là les modèles de l’O. français, et Rameau, en les rénovant, un demi-siècle plus tard, ne s’écartait guère du type donné par Lulli ; les chefs-d’œuvre de Rameau, qui, de nos jours encore, reprennent vie à la scène : Hippolyte et Aricie (1733), Castor et Pollux (1737), Dardanus (1739), marquent les modèles du genre où les intermèdes dansés et les entrées de ballets y occupent une place considérable. C’est avec les œuvres de Gluck, déjà assoupli dans la composition d’O. italiens et d’O.-comiques, que l’O. français abjure à peu près complètement ce qu’il contenait encore de l’ancienne pastorale et du ballet comique, et donne une part plus grande à la déclamation expressive, introduite dans l’air (voy. ce mot.) Les admirables airs d’Alceste, au 1er acte, sont des sommets d’émotion tragique où les compositeurs se sont rarement élevés. Cependant, les œuvres de Gluck, si elles restreignent la part de la danse, sont toujours fidèles à la chaconne finale, où prennent part tous les personnages.

Malgré le nom d’O. donné aux théâtres ou aux représentations de ce genre, les pièces elles-mêmes ne portaient pas encore ce titre. Piganiol de la Force, dans sa Description historique de la Ville de Paris (1718), parlant de la grande salle de représentations du Palais-Royal, qui contenait trois mille places (celle des Tuileries en contenant « aisément » sept à huit mille), dit qu’elle sert depuis 1673 « sans discontinuation aux représentations des Opera (sic) ; c’est le nom qu’on a donné aux Poèmes Dramatiques mis en musique, et accompagnés de symphonies, de danses et de machines ». Nous ne connaissons pas d’O. français du titre de Poème dramatique mis en musique, qui n’est sans doute mis là que comme explication. Le premier O. de Lulli, Cadmus et Hermione, représenté en 1673, est le premier qui porta le titre de « tragédie en musique » ou « tra-