Giulio Caccini, chanteur en même temps que compositeur, peut fournir un exemple de ce que l’on pouvait exécuter vers 1600 dans un récitatif, sur une seule syllabe :
Au milieu du xviie siècle, ce style surchargé pénètre dans la musique sacrée, et Carissimi s’en fait l’un des propagateurs. Il place à la fin de son motet Domine Deus une cadence semblable à celles que les virtuoses du chant interprétaient ou improvisaient dans les airs d’opéra et les cantates. Parry (Oxf. his., iii, 165) qualifie ce style d’ « histrionic » :
La manie de l’ornementation mélodique est telle, lorsque commence l’ère de la virtuosité instrumentale, que, même dans la musique d’ensemble ou d’orchestre, chaque exécutant s’évertue bientôt à broder sa partie selon son plaisir et sa vanité. À l’époque de la formation de l’orchestre d’accompagnement en Italie, début du xviie s., une séparation s’établit entre les instruments de fondamento et d’ornamento. Ceux-ci embellissent à leur gré la note écrite, par des scherzi et des contrepoints improvisés (agazzari). Il est rare que ces ornements soient écrits ou même indiqués. Les témoins en parlent très différemment : Pietro della Valle y admirant « les grâces de l’art » et Doni blâmant l’abus qu’en faisaient des musiciens avides de briller et portaient dans les dessins de l’orchestre la confusion et la lourdeur. Il semble certain que ce procédé ne s’appliquait pas à l’accompagnement des chœurs, encore moins au récitatif. Mais de son usage dans les airs est née la tradition de l’air concertant avec un instrument obligé. Prætorius (1619) assigne au luth, au théorbe, à la harpe, au dessus de viole, au violon italien, le rôle d’instruments ornemanistes, et aux basses et autres lourds instruments, le rôle d’accompagnateurs, chargés de suivre ou de doubler le chant. Il recommande aux premiers de ne pas abuser de leur talent, de ne pas varier, diminuer et orner tout le long d’un morceau, ce qui trouble l’auditeur et cause une confusion fâcheuse, lorsque les virtuoses ne se cèdent pas l’un à l’autre de temps en temps le tour de briller et qu’ils accumulent à la fois leurs accents, leurs trilles, leurs passages. Les chanteurs rivalisent en cela avec les instrumentistes, on arrivait à crier et jouer de plus en plus fort pour s’entendre soi-même et se faire entendre, et le morceau se terminait en cacophonie. Lulli repoussait de son récitatif tous les ornements enseignés par les maîtres de chant français ou par les chanteurs italiens. Il le voulait « tout uni ». Les chanteurs du xviiie s. de l’école italienne n’exécutaient probablement jamais une partie solo telle qu’elle était notée. On possède des ornements écrits authentiques pour 9 morceaux du Messie de Hændel (1741), et la 1re mesure du 1er de ces morceaux suffit à servir d’exemple :
Ce dessin orné s’exécutait ad libitum, le chanteur allongeant ou raccourcissant les valeurs à son gré. En France, vers le milieu du xviiie s., Forqueray, dernier virtuose sur la basse de viole, se faisait critiquer pour sa manière « trop savante » d’accompagner en n’exécutant jamais la partie de basse telle qu’elle était écrite, mais en la