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Page:Dictionnaire pratique et historique de la musique.pdf/60

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qui a été qualifiée, du point de vue de la foi, par un de ses admirateurs, « le plus grand malheur qui pût arriver à son œuvre », fut, dès le lendemain de sa mort, l’une des causes du déclin et de la disparition du genre de la C. d’église. Une fois privé du soutien vivifiant de cet inépuisable génie, tout ce que les formes de la C. avaient de factice et d’impropre à leur destination apparut et n’engendra que lassitude et indifférence. C’est en se rejetant vers la messe et le motet, ou vers l’oratorio, que les musiciens protestants cherchèrent à exprimer leur idéal religieux. (Voy. Motet, Oratorio.)

Cantatille, n. f. Diminutif de cantate, employé au xviiie s. pour désigner de petites cantates de chambre, à voix seule, avec accompagnement.

Cantatrice, n. f. ital., = chanteuse. En passant dans la langue française, ce mot s’y est différencié de sa traduction par une acception plus artistique : on dit une cantatrice, à l’Opéra, une chanteuse, au café-concert.

Cantilène, n. f. Petite pièce de chant. Ce terme emprunté au latin, s’employait au moyen âge pour toute espèce de poésie chantée (voy. Cantique) ; on le réserve actuellement, soit aux mélodies grégoriennes, soit, dans le genre profane, à des pièces vocales ou instrumentales de courtes dimensions et d’expression sentimentale.

Cantillation, n. f. Forme de mélodie religieuse de construction primitive, et plus proche de la déclamation que du chant proprement dit, bien que pouvant être entremêlée de vocalises.

Cantique, n. m. 1. Titre réservé par la liturgie catholique aux passages de l’Écriture Sainte, de formes analogues à celles des Psaumes ; les C. « évangéliques », c’est-à-dire tirés de l’Évangile, sont constitués par les versets du Magnificat, du Benedictus Dominus Deus Israël et du Nunc dimittis, autrefois appelés C. majeurs, par opposition aux autres chants tirés de l’Ancien Testament, dit C. mineurs. || 2. Chant pieux en langue vulgaire. Les premiers C., alors dénommés cantilènes, furent composés dans le haut moyen âge par des moines désireux de fournir au peuple une distraction religieuse et de substituer des pièces édifiantes aux chansons licencieuses que propageaient les jongleurs. Ainsi se produisirent en français la Cantilène de sainte Eulalie et en dialecte limousin une paraphrase de l’Ave, maris stella. Les chants farcis, tropes et séquences (voy. ces mots) eurent la même origine. Le chant latin O filii, qui s’est maintenu jusqu’à nos jours, est une pièce extra-liturgique dont on ne sait si le texte a été imité d’une poésie vulgaire ou lui a, au contraire, servi de modèle. Une incertitude pareille pèse sur la plupart des anciens C. en l’honneur des saints, dont les paroles semblent adaptées tantôt à des cantilènes grégoriennes et tantôt à des mélodies profanes. Au milieu de la production médiévale se distinguent les Chants de la Vierge, de Gautier de Coincy (xiiie s.). Mais c’est à partir du xvie s., et sous l’influence de la Réforme, que le C. prit une extraordinaire extension. Après que les calvinistes eurent porté jusqu’en dehors de leurs assemblées la coutume de chanter des psaumes en langue vulgaire, il parut utile aux catholiques de se procurer un répertoire de chansons pieuses, dont la propagation devait contre-balancer celle des recueils huguenots. Des deux côtés, le choix des mélodies s’effectuait sans scrupules dans le domaine profane. Ainsi que les calvinistes chantaient le psaume xliii sur l’air : Aventuriers de France, et le psaume c sur Jouissance vous donnerai, le P. La Cauchie (1619) disposait ses paroles de C. sur « les airs mondains et plus communs », et le P. Berthod « convertissait » les airs de cour en airs de dévotion, par le changement de quelques mots ; du couplet : « Des beaux yeux de Philis je me sens enflammer », il faisait : « Des regards de Jésus », etc. Par le même procédé, contre lequel Godeau, le P. Bridaine, Racine essayèrent en vain de réagir, furent compilés les très nombreux recueils de C. catholiques publiés dans le xviie et le xviiie s., notamment ceux de l’abbé Pellegrin, de l’abbé de Lattaignant et les plus fameux de tous, les C. de Saint-Sulpice. Des centaines de morceaux semblables ont été depuis lors imprimés, dont, à très peu d’exceptions près, le niveau artistique et religieux n’était pas plus élevé. Destinés aux catéchismes, aux confréries, les C. n’ont point de place dans la liturgie catholique, qui en tolère l’usage, mais ne le prescrit pas. Chez les communautés protestantes, le rôle du C. a grandi à mesure que diminuait celui du psautier. Les protestants français (calvinistes) n’eurent pas de C. avant ceux de Pictet (1705), qui se chantaient sur les mélodies des psaumes : car les « chansons spirituelles » publiées durant le xvie s. étaient des pièces d’une forme littéraire et musicale recherchée, accessible seulement à